Avec Tommy le légendaire Ken Russell porte à son paroxysme son style baroque mâtiné de symbolisme délicieusement perverti. Absolument tout dans cet ample opéra-rock transpire la passion chevronnée du cinéaste : couleurs chatoyantes aux merveilles intarissables, montage d'attraction décuplant les audaces d'une séquence à la suivante, idées de mise en scène dignes d'un cinéma de fou furieux, argument scénaristique délirant qui - malgré sa ténuité - ménage de savoureuses situations oniriques...
Exit la notion normative de convention réaliste dans ce Tommy : Ken Russell dresse le portrait d'une icône des seventies, éventuel Icare des temps modernes plongé dans les sempiternelles expérimentations cinématographiques du réalisateur. Ainsi dans Tommy nous trouvons : un sarcophage érotisé serti de seringues évoquant un étrange Golgotha confiné, des églises peuplées de paraplégiques vouant un culte à une Marilyn Monroe de pacotille, un poste de télévision concrétisant un bain de mousse et de jus de fayots pour un pur festival orgiaque, une décharge automobile reconvertie en immense terrain de jeux au coeur duquel notre héros-titre organise un improbable concours de flipper... C'est totalement furax, foutraque voire erratique mais d'une puissance cinématographique intégrale !
Difficile - en commentant le film de Ken Russell - d'éviter l'hommage obligé à la superbe composition du groupe The Who, accumulation de sons poisseux et saturés mêlés de litanies délibérément sirupeuses et dissonantes... A l'instar du climax final du chef d'oeuvre Phantom of the Paradise de Brian de Palma Tommy nous entraîne dans un concert d'images bordélique et iconoclaste d'une prodigieuse générosité graphique. En un mot comme en cent : génial !