J’ai toujours tendance à me méfier des films qui titrent en capitale sur leur affiche « LA PALME DU PUBLIC ET DE LA PRESSE». C’est sans doute l’effet Xavier Dolan. D’autant plus quand le film dure 2h42. Et pourtant. Maren Ade délivre une œuvre précise et d’une grande sobriété, qui transmet par la mise en scène une émotion sans pareille, où les non-dits, les silences, les regards comptent autant que les dialogues, nous rappelant que le cinéma peut trouver sa grandeur dans l’ineffable, sans effets cache-misère.
Commençons d’ailleurs par ce point, selon moi le plus gros du film : il pourrait se faire 2h. Même si cela permet de mieux contextualiser, poser une ambiance, caractériser les personnages, c'est fait sur l'autel du rythme, avec l'impression qu'en ne sachant pas quoi choisir, le film garde tout. Quelques séquences semblent aussi placées juste pour choquer le bourgeois. C'est gratuit, cela n'apporte pas grand-chose. Je songe notamment la scène du petit four au contraire de la séquence finale, brillante par ailleurs, que je ne révèlerais pas ici mais qui donne au film son sens et sa saveur.
Après Julieta en début de mois, nous avons le droit à un deuxième film sur les liens filiaux, cette fois-ci sur une relation père/fille. Je m'attendais à quelque chose de très manichéen type "oh la capitaliste qui ne pense qu'au boulot et qui a oublié le sens de la vie, heureusement que son père épicurien est là pour lui redonner le goût de la vie", mais, si le film plante cette situation de départ, il en dévie très vite, de manière explicite, lors d’un second départ –qui explique sans doute certaines longueurs-. Chacun découvre alors l'autre, s'offre à lui dans ce qu'il a de meilleur et de pire, le fait se confronter à ses propres contradictions, pour qu'au final les masques de chacun tombent. Des moments de grâce –NKM serait ravie-, une empathie forte, des acteurs que je ne connaissais pas qui sont épatants.
Ce qui fait parfois basculer le film dans le sublime, c’est le glissement intelligent, tout en douceur, qui a lieu tout le long du film, qui nous fait accepter des situations qui nous auraient semblé complètement absurde. Maren Ade parvient à traiter avec finesse son époque, et le mal du siècle : la perte de repère, le désenchantement du monde, les masques que nous impose la société comme autant de chapes de plomb sur nos âmes, nous empoisonnant l’esprit jusqu’à nous faire perdre de vue l’essentiel, la liberté qui est en chacun de nous qui exige que l’on se sorte de notre quotidien. La pilule est amère, l’humour absurde permet de la passer en douceur.