Robert Zemeckis, à qui nous consacrons quelques pages d’interview dans le dernier numéro de Rockyrama, a toujours été sous-estimé. L’homme a beau avoir 18 films au compteur, été oscarisé, scénarisé, inspiré et produit les plus grands, démocratisé des nouvelles technologies, il garde l’image d’un faiseur, dans l’ombre de Steven Spielberg.


Il a pourtant des thèmes bien ancrés qui structurent sa filmographie (le point de vue, l’emprise du temps sur les personnages, la douleur des rapports humains), des très hauts sommets (Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit, Flight), une volonté permanente de se diversifier, d’expérimenter et de ne jamais faire les mêmes films. De scénariste et producteur dans les années 70, il devient l’un des entertainers phares des années 80, avant de se lancer dans des films plus académiques dans les années 90, pour devenir l’initiateur du performance capture au début du millénaire avec Pôle Express. Il revient en 2012 avec Flight aux prises de vues réelles, et semble se concentrer sur des aventures humaines plus concentrées, sans jamais cesser d’expérimenter sa mise en scène.


Alliés est ainsi son premier film d’époque. Il raconte l’histoire de Max Vatan (Brad Pitt), chargé d’assassiner à Casablanca l’ambassadeur allemand au Maroc, aidé par une espionne française avec laquelle il n’a jamais travaillé, Marianne Beauséjour (Marion Cotillard). Si on s’attend à un film de guerre, ou même d’espionnage, il s’agit avant tout d’un film sur l’amour. Il s’inscrit dans sa filmographie en parallèle d’Apparences : si ce dernier déconstruisait le couple dans un environnement trop normal, Alliés montre la possibilité de l’amour dans le tumulte d’une guerre mondiale.
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Tout est ici centré sur le point de vue de Max, ce qui contraint le scénario mais lui donne sa force. Nos doutes seront ceux du personnage, nos envies et notre empathie passeront par lui. Il fallait bien pour cela un acteur du calibre de Brad Pitt, qui, s’il n’a pas l’accent canadien qu’on lui prête, excelle à jouer un personnage tout en retenue à qui on a appris à mentir et à ne jamais se livrer, espion brillant qui ne voit pas ce qui se passe juste sous ses yeux, personnage maudit en proie au doute permanent. Handicapé qui ne parvient jamais à s’abandonner dans son amour, il se condamne lui-même à une fin-châtiment.


En face, Marion Cotillard parvient, plus encore que les espoirs placés en elle, à être objet de fantasmes sans surjouer, empreint d’une subtile sensibilité. Le spectateur s’attache au personnage sans jamais être convaincu par lui ; en cela son cheminement est proche de celui du personnage principal. C’est le couple qui est la star du film, une mise en avant de deux vedettes comme nous n’en n’avions plus l’habitude.


Zemeckis semble s’éclater dans l’univers de la seconde guerre mondiale, multipliant les effets de mise en scène ingénieux : il suffit de voir par exemple ce travelling qui part du bouchon de réservoir d’une voiture pour reculer jusqu’à la banquette arrière, en nous montrant l’arrivée sur l’ambassade nazie grandiloquente, pour s’en convaincre. Le tout au sein d’une production value d’une grande qualité, qui ne lésine pas sur la quantité de décors à mettre en place. La seconde guerre mondiale est ainsi montrée comme telle, un simple contexte, un décor où prend place une histoire d’amour. La grande Histoire n’est pas celle que l’on croit. Si elle n’est pas inspirée de faits réels, elle semble d’un coup plus crédible que la folie de millions d’hommes qui s’entretuent.


On pourra regretter un épilogue de trop, qui confirme l’obsession du réalisateur de Forrest Gump sur le temps qui passe, mais impossible de ne pas reconnaître les grandes qualités de ce long-métrage, film somme de l’auteur. Zemeckis rejoue avec brio des pans entiers de son œuvre avant de se laisser emporter dans les tourbillons de l'amour douloureux. Et nous avec.


http://rockyrama.com/super-stylo-article/allies-lamour-est-dans-la-tempete

Boris_Biron
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le 1 déc. 2016

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