Il y a deux sortes de films découverts à l'adolescence : ceux que l'on trouve géniaux car ils correspondent pleinement à la maturité du moment (et qui peuvent s'avérer nullissimes lors d'un nouveau visionnage à l'âge adulte) et ceux que l'on trouve directement nuls et face auxquels l'on passe à côté de l'essentiel, toujours à cause de cette histoire de maturité, puis qui s'avèrent très intéressants à la revoyure. Pour ma part, le Toolbox Murders de Tobe Hooper fait partie de cette seconde catégorie. Découvert à l'âge de 13 ou 14 ans, je n'avais ni saisi l'hommage envers une époque hollywoodienne révolue, ni le subtil humour (très) noir qui parsème le long-métrage.
Œuvre de commande, Toolbox Murders devait être à l'origine un remake du film éponyme réalisé par Dennis Donnelly en 1977. Peu intéressés à réitérer ce qui a déjà été fait par le passé, les scénaristes Jace Anderson et Adam Gierasch optent pour une approche plus fantomatique afin de développer le tueur qui hante cette nouvelle version. À mille lieues de l'étude psychologique du film original, ce faux remake reste bien plus un hommage à The Shape de la saga Halloween qu'à un pur psycho slasher dans la veine de Pyromaniac ou de Maniac.
Aménageant dans une résidence insalubre de Los Angeles, un jeune couple est troublé par l'étrange atmosphère qui règne dans les lieux. De plus, des bruits aussi fréquents qu'intrusifs semblent provenir des cloisons de leur vieil appartement mortifère...
Doté d'un maigre budget mais élevé par un efficace casting (Angela Bettis, Juliet Landau, Sheri Moon Zombie ou encore le vétéran Rance Howard), Toolbox Murders mixe avec pertinence le slasher et le drame social en abordant le thème de la désillusion hollywoodienne comme l'avait démontré John Schlesinger avec Le Jour Du Fléau, superbe adaptation du roman L'Incendie De Los Angeles, rédigé en 1939 par Nathanael West.
Décrépitude des lieux et désespoir des êtres se conjuguent ainsi au cœur d'un décor naturel (en l’occurrence le célèbre hôtel Ambassador où Robert Kennedy fut assassiné et qui devint ensuite un épicentre culturel qui favorisa les tournages de clips musicaux et de plusieurs centaines de longs-métrages). Entre les lignes du script, les rêves de succès avortés hantent considérablement Toolbox Murders qui dresse un portrait sans concession de l'hypocrite American Dream et des drames qui en découlent. À l'instar du propriétaire de l'immeuble incarné par l'impeccable Greg Travis, fier de résider dans l'ancien appartement d'Elizabeth Short, surnommée Le Dahlia Noir suite à son horrible assassinat. Faits divers réels et fiction se lient ainsi dans une sorte de ghost story sociétale où les meurtres parfois inventifs sont perpétuellement saupoudrés d'une forte dose d'humour noir dont Tobe Hooper était un incontestable spécialiste.
Brillante plus qu'effrayante, l’œuvre endure une excessive mauvaise réputation de la part des adeptes de cinéma horrifique qui ne trouvent certainement pas leur compte en matière de terreur et de gore. Mais bien plus subtil qu'il en paraît, l'effroi reste omniprésent face à l'agonie des rêves et de tout espoir au sein d'un système hollywoodien symbolisé ici par la putréfaction de cadavres. Ah, sacré Tobe, tu nous manques ! ^^