Quand j'étais enfant, le monde se divisait en deux catégories: les filles et les garçons. Les premières avaient pour emblème de ralliement le pudding Dirty Dancing, avec sa philosophie de comptoir et son fringuant Patrick Swayze. Les garçons, les vrais de vrais, les durs de la récrée, avaient Top Gun. Un film qu'il fallait visionner tous les mercredis après-midi et dont il était de bon ton d'arborer la casquette ou le t-shirt. Et soyons clairs, je m'en battais royalement les steaks de Top Gun, moi. Aux avions de chasses, au nanisme de Tom Cruise, je préférais largement les monstres en tous genres ou le gigantisme d'un King Kong ou d'un Tom Noonan. Ce qui reste toujours le cas aujourd'hui même si j'en comprend mieux le succès.
Inspiré d'un article de Ehud Yonay publié en 1983 dans le magazine California, Top Gun était obligé de cartonner et c'est justement ce qu'il fit, remportant plus de 340 millions de dollars dans le monde pour un budget de 15, propulsant Tom Cruise au rang de superstar et faisant augmenter le recrutement de l'armée de 500 %. Un truc de dingue, à une époque où l'Amérique avait besoin de montrer qu'elle était toute puissante et que le cinéma de divertissement était surtout une question d'apparences.
Pas un hasard si derrière ce hit, on retrouve le tandem Don Simpson / Jerry Bruckheimer à la production, reprenant grosso merdo la formule gagnante de leur soporifique Flashdance, et le cinéaste Tony Scott à la manoeuvre, lui qui avait repoussé les limites de l'esthétisme 80's par le biais de son troublant The Hunger.
Porte-drapeau d'une nation qui en veut et qui n'a de toute façon pas l'intention d'en laisser aux autres, Top Gun est une machine rutilante, clinquante, le Fast and Furious de l'époque mais en mieux torché, le présence d'un Scott parait-il viré à trois reprises pendant le tournage (ce qui ne l'empêchera pas de servir la soupe au terrible tandem à plusieurs reprises) faisant la différence, tout comme le soutien d'une Navy trop contente d'aider à la propagande et permettant la conception de séquences aériennes absolument bluffantes.
Car si Top Gun est quand même un peu chiant sur près de deux heures, quasiment dénué de véritables enjeux et balançant les divers éléments de son script sans aucune fluidité, il faut bien reconnaître qu'il fait le boulot. Cela tien sûrement à la bande-son furieusement datée mais entraînante, à la photo cramée de Jeffrey Kimball, à l'aspect crypto-gay à mourir de rire et à un casting constitué de futures stars et de seconds couteaux talentueux.
Parfaite anti-thèse d'un Platoon ou d'un Full Metal Jacket, Top Gun demeure clairement le bon gros hit qu'il était à sa sortie, conserve toujours ses gros vilains défauts mais aussi une petite poignée de qualités rendant le visionnage relativement agréable pour un branleur comme moi étant passé à côté du délire.