Dans "Du rififi chez les hommes", polar français à l'américaine, Jules Dassin mettait en scène le casse d'une bijouterie par une équipe de haute volée, avec un noir et blanc sublime.
Dans "Topkapi", il reprend cette trame dans un cadre plus exotique : l'ancien palais du Sultan d'Istanbul, et avec beaucoup plus d'humour. Dès le départ, le passage à la couleur et la séquence montrant une loterie de fête foraine où apparaît de manière kitsch l'image démultipliée de Melina Mercouri donne le ton : on est dans le registre de la comédie déjantée (screwball comedy). Ce qui n'empêche pas "Topkapi" d'être un bon film de casse, d'ailleurs. Mais une folie assez sauvage plane. "Topkapi", à l'image du poignard à manche d'émeraude qu'il faut voler, est brillant, tapageur et joue sur les apparences.
Par où commencer ? Par les personnages, peut-être. Ils sont truculents : Melina Mercouri en nymphomane adoratrice des diamants survoltée ; Maximillian Schell et les autres acrobates en modèles machos ; Peter Ustinov, qui crève l'écran en escroc looser embarqué dans une affaire qui le dépasse ; Robert Morley en expert ès alarmes bonhomme. Le groupe de spécialistes décidés qui gravite autour d'une femme est une formule qui fonctionne très bien ici, avec, du côté de la loi, des rôles aussi très savoureux : les agents moustachus des services secrets turcs, et surtout Akim Tamiroff, en cuisinier grec fou, dont chacune des apparitions m'envoient sur Mars. Tout le monde surjoue (à commencer par Mercouri), mais ce n'est pas du cabotinage, ça passe très bien.
Il y a bien sûr une longue séquence de vol du bijou. Mais ce film est aussi une ode à la Grèce et à la Turquie. A la Grèce, avec le recrutement savoureux du "sucker" Ustinov. A Istanbul surtout, avec de magnifiques stock-shots très bien montés qui traduisent bien l'ambiance de la ville, mais aussi avec cette fameuse séquence de lutteurs turcs enduits d'huile.
La musique est excellente, sur un rythme de Sirtaki endiablé. Le dénouement est complètement improbable, comme il convient. Ce film est ce qui se rapproche le plus d'une adaptation cinématographie de "Lupin III", fameux animé japonais délirant.