Quand je vois un film des frères Dardenne, je pense tout de suite à Monet, à Scarlatti, à Rodin. Quel rapport ? pourquoi une telle liste incongrue ? C'est simple : ces gens-là refont toujours la même chose : la même meule ou la même cathédrale peinte et repeinte des dizaines de fois, la même étude composée et recomposée à l'envi, la même sculpture modelée et remodelée sempiternellement, le même film... Oui, et je ne m'en lasse pas : même virtuosité à diriger les acteurs, même acuité à représenter la vie de notre temps, même message politique assumé, même précision à dresser les portraits de nos contemporains.
Dans Tori et Lokita, ce qui frappe avant tout est la justesse avec laquelle sont composées les relations entre les personnages, notamment celle entre les protagonistes éponymes et celle qui relie Tori au pizzaïolo. Comme dans une tragédie grecque, nos héros luttent contre une force irrésistible, non celle du destin mais celle de notre société implacable pour les pauvres , les déracinés et les déshérités. Les frères Dardenne le montrent avec un naturalisme et un réalisme froids, quel brio dans la démonstration !
Dès lors, un conseil s'impose : jeunes comédiennes et comédiens, futur(e)s scénaristes et réalisateurs-trices, courez voir et revoir l'oeuvre des frères Dardenne : tout est bon chez eux, il n'y a rien à jeter.