La démonstration est implacable : on aurait dû donner des papiers à Lokita. Un point c'est tout. Les Dardenne ont vraiment réussi leur coup. On reproche beaucoup au film d'être trop sombre mais c'est qu'on ne veut tout simplement pas prendre la mesure de l'injustice que les cinéastes dénoncent. (On fait généralement le même reproche à Ken Loach.) Mais c'est la moindre des choses que de renvoyer par le cinéma, au monde, sa cruauté et sa violence.
Par ailleurs, le propos est porté par une mise en scène parfaite et lumineuse. Tori est petit, Lokita est grande : il s'agit, pour les Dardenne, de les faire toujours tenir ensemble dans le champ, de tout le temps maintenir la relation entre les deux enfants, au contraire des institutions qui s'ingénient à les séparer. Les cinéastes outrepassent donc la dénonciation que leur récit opère en transgressant la loi injuste par une mise en scène juste. L'espoir est là. C'est clair et net. C'est ce que peut le cinéma.