Découvert fin 90’s en VHS VOSTFR un peu au hasard à sa sortie en vidéo club, attiré par la tête en gros plan sur la jaquette de cet acteur que j’avais vu et apprécié dans Le Jour de la Bête de Alex de la Iglesia, Torrente le Bras Gauche de la Loi a immédiatement été un gros coup de cœur, en grande partie grâce à son personnage principal complètement improbable. Après l’avoir conseillé à moult amis, en leur expliquant que jamais ils n’avaient vu un film comme ça, j’ai rapidement constaté que le film divisait. Certains (comme moi) adoraient, d’autres détestaient littéralement, ne comprenant ce qu’il y avait d’amusant à voir un être abject se prendre pour un flic dans les bas-fonds d’un quartier de Madrid. Aujourd’hui encore, au bout de cinq films, la saga Torrente divise les foules et c’est compréhensible tant l’humour qui s’en dégage, à l’instar de l’humour cantonais par exemple, peut laisser complètement de marbre, même l’amateur de comédies lourdingues. Alors embarquons aujourd’hui dans el maravilloso mundo de Torrente !
Torrente est un personnage créé par Santiago Segura lui-même qui, en plus de jouer le personnage principal, a écrit le scénario et réalisé le film. Alcoolique, misogyne, raciste, cynique, fouille-merde, vulgaire, amoral, moche, … Bref, Torrente est un personnage politiquement incorrect et tout est fait pour le rendre repoussant. Il est sale, transpirant, arbore une calvitie qu’il masque tant bien que mal par ses cheveux très gras, … On a rarement vu ça au cinéma, surtout pour ce qui va devenir à la longue le héros de 5 films. Car oui, ce premier Torrente est un énorme succès en Espagne, engendrant donc quatre suites entre 2001 et 2014, moult produits dérivés, et une série a même été envisagée à un moment (bien que n’ayant jamais vu le jour). Torrente a remporté deux Goya et est devenu le film le plus rentable de l’histoire du cinéma espagnol, dépassé plus tard par sa suite, Torrente 2. Torrente et ses sketchs sont devenus partie intégrante de l’imaginaire populaire de son pays et le film est considéré par certains espagnols comme la meilleure comédie jamais produite dans leur pays. Un projet de remake américain a été envisagé, avec un Robert De Niro favorable pour reprendre le rôle de Torrente, mais n’a finalement jamais vu le jour. Puis un autre projet de remake américain refait surface, avec Jack Black, Will Ferrel ou Vince Vaughn dans le rôle-titre. Thomas Langman, à travers sa société La Petite Reine, était également intéressé par la production d’un remake français, bien que ça semble être tombé à l’eau. Tout ça pour dire que ce premier Torrente a fait parler de lui au final un peu partout dans le monde, bien que le public (autre qu’espagnol) n’ait souvent jamais entendu parler de cette comédie policière dont le titre complet « Torrente, El Brazo Tonto de la Ley » s’inspire du Cobra avec Sylvester Stallone sorti dans la péninsule ibérique sous le titre « Cobra, el Brazo Fuerte de la Ley ». Et, qu’on aime ou pas au final, il faut que tout le monde voie un jour ce film car, comme le dit Santiago Segura lui-même : « On a tous un Torrente enfoui quelque part en nous ».
Torrente est une comédie policière où l’humour noir côtoie l’humour vulgaire et souvent complètement con. Un humour con, mais assumé de bout en bout afin de servir la caricature d’un film qui joue avec les codes du buddy movie à sa façon. Rien que son héros immonde est une caricature poussée à l’extrême du machisme ibérique. Les vices de la société espagnole sont gentiment titillés bien qu’il y ait de grandes chances que ceux n’y connaissant rien à la culture espagnole passent à côté de bon nombre de choses. Étant moi-même d’origine espagnole et ayant été des centaines de fois au pays du chorizo et de la paella, force est de constater que c’est un plus non négligeable pour que le film de Santiago Segura nous parle. La mise en scène est absolument passe-partout et surtout reléguée au second plan car on sent que ce n’est pas ce qui intéresse son réalisateur dans cette première réalisation (ça viendra avec les opus suivants). Ce qui intéresse Segura, ce sont ses personnages, et ils jouent un rôle fondamental tant leurs personnalités sont l’essence même de la franchise dès ce premier opus. Torrente a beau être quelqu’un d’abjecte et de répugnant, on ne sait par quel procédé miraculeux on ne peut s’empêcher de le trouver attachant et extrêmement fun. Son duo avec le personnage de Rafi (l’excellent Javier Camara) fonctionne très bien. Les codes du buddy movie sont là, avec deux personnages que tout oppose. A vrai dire, c’est tout le casting qui est absolument parfait et on sent que chaque acteur s’implique dans son rôle, aussi couillon ou décadent soit-il. Certains font aussi bien pitié que rire (le père de Torrente) et ils sont réellement au centre d’un film au scénario plein de situations ridicules, exagérées ou non. Certaines scènes sont mémorables, d’autres sont carrément devenues un running gag dans la saga (la branlette dans la voiture). C’est clair, ça ne vole pas haut mais, sincèrement, qu’est-ce qu’on se marre !
Film clairement à prendre au dixième degré, Torrente premier du nom est une comédie policière décomplexée, vulgaire, crado, politiquement incorrecte, mais surtout sacrément fun malgré une réalisation assez plate.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-torrente-le-bras-gauche-de-la-loi-de-santiago-segura-1998/