Historiquement - et pour l'Argentine, ce film a une importance aussi grande que Terre sans pain (Las Hurdes) en avait pour l'Espagne. A l'instar du film de Bunuel, ce court-métrage documentaire (deux autres caractéristiques similaires à Terre sans Pain) a pour but pédagogique d'éveiller les consciences et de montrer une réalité jusqu'alors inconnue pour l'ensemble de la population, la pauvreté d'une partie des Argentins.
En ouverture, Birri nous montre Santa Fé vue d'avion ; le narrateur nous énumère alors une multitude de données statistiques, visant à nous rendre compte de l'importance de la ville, tant d'un point de vue économique, démographique et culturel (avec ses universités, ses centaines d'écoles...). Mais là où d'autres se seraient contentés de survoler le sujet et de n'appréhender la ville que de haut, de loin, Birri fait ensuite redescendre sa caméra pour aller au coeur d'un des nombreux bidonvilles qui encerclent la ville. Le cinéaste donne la parole aux personnes qui vivent là dans le plus grand dénuement et les suit dans leur vie de tous les jours. Plus précisément, il va se focaliser sur les enfants - non scolarisés - qui ne survivent qu'en quémandant une pièce de 10 pesos aux voyageurs qui passent en train : scène d'une violence rare (les enfants risquent leur vie sur un pont à 6 m de hauteur) rendue encore intolérable par une simple phrase, une réflexion d'un voyageur "et dire que ces gamins n'ont pas envie de travailler !".
Devant un tel spectacle de désolation, la caméra de Birri reste neutre (y compris dans le commentaire). C'est là la grande force du film, il montre, point.Ce qui à l'époque, était déjà vue comme subversif par un régime ne voulant pas montrer la réalité derrière les apparences.