On parle souvent de films cultes, ceux qui traversent les époques en laissant dans la mémoire des spectateurs nombre de souvenirs indélébiles. Ils sont relativement nombreux, et peut-on dire que Total Recall en fait partie ? Sans aucun doute. Mais ce qui est bien, c’est que là où il aurait pu être culte pour des raisons très évidentes, il l’est aussi pour être capable de faire fi des apparences et d’être plus ambitieux que ce qu’on pourrait croire.


Par expérience, et pour avoir discuté avec plusieurs personnes de la chose, il est difficile de faire plus daté qu’un film des années 80. Décennie exubérante et décomplexée, elle a une identité toute particulière, et si bien des films de l’époque sont devenus cultes aujourd’hui, c’est aussi pour ce style si particulier qui les caractérise. Total Recall arrive juste au début de la décennie suivante, mais nul doute qu’il reprend bien l’atmosphère des eighties. On y retrouve cette vision excentrique du futur, ce grain, et surtout Arnold Schwarzenegger armé jusqu’aux dents et qui castagne du méchant pour rétablir la justice et découvrir la vérité. En tout cas, c’est ce que le film veut faire croire, et il serait ridicule de le cantonner au seul statut d’actioner de science-fiction bourrin et divertissant.


« Divertissant » n’est d’ailleurs pas un thème péjoratif, loin de là, car un film considéré comme divertissant est un film qui a réussi à générer des émotions positives chez le spectateur. Cependant, Total Recall est une histoire bien plus complexe que l’on pourrait penser, qui offre une vision intéressante du futur, qui explore nos rêves mais aussi notre conscience en la rendant schizophrène et indécise. En effet, l’indécision est au cœur du film : Qui est réellement Douglas Quaid ? Sommes-nous dans ses souvenirs ou dans ceux créés par Recall ? A-t-il vraiment eu des implants de la part de Recall ou non ? Le film vogue dans une ambiguïté permanente qui efface de nombreux repères, qui sert le récit dans sa complexité mais, aussi, permet d’illustrer les aléas de la conscience, comme le fera d’une autre manière Michel Gondry dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind.


Total Recall est un film de science-fiction très complet. Il permet d’anticiper divers éléments comme la colonisation de planètes extra-terrestres dans le futur, mais également les progrès technologiques, la robotisation et le voyeurisme très présent à travers la multitude d’écrans exposés à la caméra. Par ailleurs, le film s’avère très métaphysique dans sa capacité à montrer notre dualité, notamment celle de Douglas Quaid, à la fois un ouvrier rêveur et un agent corrompu et sans scrupules. Quasiment chaque personnage est d’ailleurs concerné par cette dualité entre bien et mal, souvent représentée en psychanalyse par les interactions entre les différentes composantes de notre conscience, de notre subconscient et de notre inconscient.


Le film de Paul Verhoeven est un curieux hybride, à la fois très ancré dans son époque mais visionnaire sur certains points, très musclé mais aussi intellectuel. C’est un film capable de divertir et de faire réfléchir à la fois, évident et complexe qui, en définitive, se présente de la même manière qu’il traite son histoire, c’est-à-dire en la menant vers un chemin qui semble tout tracé, mais avec plein de rebondissements et d’écueils. Un film de science-fiction culte et très complet qui mérite, sans conteste, plus d’un visionnage.

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le 31 janv. 2018

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