Petit, j'étais un enfant chétif, presque malingre.
Je n'avais pas assez de force pour ouvrir mon paquet de corn-flakes le matin, si tant est que j'en ai eu un, vu que nous étions si pauvres, si démunis, que je petit-déjeunais d'un peu d'eau du robinet lapée dans le creux de ma main. Nous n'avions pas de vaisselle.
Et parfois d'un quignon de pain rassis comme le cœur d'un marseillais.


Quand j'ai découvert Arnold, c'est comme si j'avais rencontré Dieu.
Il était beau comme une Renault Alpine. Il était massif, sculpté dans du muscle, avec ce bronzage carotte des pays où le soleil est une orange incandescente.
Mais en me documentant sur l 'énergumène, j'appris qu'il n'avait pas toujours ressemblé à cet être humain profilé pour affronter un futur décadent.
De plus, il était autrichien.
Il avait été, lui aussi, un machin mal défini qui devait susciter les moqueries de ses petits camarades.
Un jour, il en avait eu assez. Il avait décidé de devenir culturiste. Pour plus qu'on se moque de lui. C'est crédible, un culturiste, ça suscite immédiatement l'envie, voire la jalousie. Comment ne pas brûler du désir d'être à la place de ces mecs oranges, gonflés si fort qu'il y en a qui explosent, en mini-slips et qui se pavanent, huileux comme des sardines ? Comment ? Je te le demande !


Lorsque j'ai découvert Arnie, il est devenu presque instantanément mon héros. De Conan du génial John Milius au Commando de Mark Lester , du Terminator au Predator, il ne me décevait jamais. Pour te dire la vérité, je kiffais même Running Man du frisé David Starsky.


Mais Total Recall tient une place chère en mon cœur.
Déjà, c'est réalisé par Verhoeven, un Hollandais. J'aime bien la Hollande même s'ils ont une langue absolument abjecte, presque pire que le belge. Bref.


Au début, Arnold est au plumard avec sa femme, jouée par Sharon Stone (à l'époque où elle ne vendait pas encore de lunettes, une époque où être Sharon Stone voulait encore dire quelque-chose) qui préfigure ici le rôle de salope qu'elle transcendera dans le Basic Instinct de Paulo le Hollandais.
Il la pelote, elle a l'air consentante.
Je te dis pas l'espoir, quand tu vois une scène pareille et que t'as 16 ans, que tu viens de commencer ton entraînement intensif à base de fricadelles, que la métamorphose débute.
Ça te dit que, ouais, toi aussi, à force de persévérance, d'obstination, tu pourras dans un futur plus ou moins proche jouer à touche pipi avec autre-chose que ta main.


Dans le film, Arnold s'appelle Doug et il est tout tracassé. Il fait des cauchemars où il se balade sur Mars avec une brune (jouée par Rachel Ticotin) alors qu'il n'a jamais quitté la Terre et qu'il ne fume que des blondes. Il faut te préciser que dans ce film, nous avons colonisé Mars depuis belle lurette, donc c'est possible.
Comme il ne sait pas bien marcher, rapport à la pesanteur martienne qui est différente de la nôtre, il glisse et casse son casque sur un caillou. Là, il fait une tronche flippante. Il hurle, vu que l'air de Mars fait sortir les yeux de la tête, ouvrir grand la bouche puis exploser.
Heureusement, comme stipulé précédemment, ce n'est qu'un mauvais rêve qui s'efface bien vite quand Sharon le console en s'asseyant à califourchon sur sa personne.


Dans la vie, Doug travaille dans le bâtiment à casser des cailloux. Il sait utiliser un marteau-piqueur par exemple, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Bon, faut être clair, à l'époque, Arnold est un trucage à lui tout seul et voir ses muscles saillants tressauter dans sa chemise tendue peut t'amener à faire ton coming-out en hurlant « Arnold, je t'aime » dans une salle bondée proche de la Gare de Lyon.
Bref.


Doug, qui n'a pas de voiture, a vu dans le métro une publicité pour une agence de voyage d'un genre nouveau : elle te propose de t'implanter ce que tu veux comme souvenirs dans le ciboulot. Genre, deux semaines dans la peau de François Hollande, une demi-heure dans celle de Rocco... Lui, ni une, ni deux, il choisit le voyage sur Mars dans la peau d'un agent secret avec une brune qui ressemble à Rachel Ticotin. J'ai envie de dire: chacun ses goûts, c'est pas moi qui vais reprocher à un mec qui mange tout le temps des pâtes de se taper quelques frites. La malbouffe, ça suffit.


Bon, ça se passe mal parce qu'en fait, Doug il a déjà un implant dans le crâne et du coup il n'y a pas de place pour l'autre. Alors il casse tout dans l'agence de voyage, voulant se faire rembourser car c'est pas donné, cette histoire.
Les gens de Rekall sont pas du genre à rembourser les clients mécontents alors ils le shootent avec un truc à endormir et le jettent dans un taxi qui le dépose près de ses appartements. Là, il croise un collègue qui lui avait déconseillé Rekall, alors, comme Doug l'a vachement déçu, il est venu avec des copains pour lui défoncer sa gueule. Sauf qu' Arnold, il les massacre en deux temps, trois mouvements dans une scène de violence hystérique qui voit l'ouvrier en bâtiment se transformer en machine à tuer qui brise les nuques, perfore les poitrines de plomb, comme s'il avait fait ça toute sa vie. Du Verhoeven pur jus.


À partir de là, on dirait du Hitchcock avec des burnes.


Quand il rentre chez lui, Sharon est là, sapée moulant car elle faisait un tennis dans le salon. Lui est tout parano, il éteint les lumières, parle doucement, on sent l'inquiétude sur son visage. Il lui dit qu'il a tué des gens, qu'il faut qu'ils taillent la route, mais qu'avant, il doit prendre une douche.
Elle, elle prend peur, alors elle appelle le mec de V, Ham Tyler, plus connu sous le sobriquet de l'autre-chauve-là-mais-avec-des-cheveux, le bien nommé Michael Ironside.
Lui, il n'aime pas Doug, sa gueule lui revient pas, il déteste les dents du bonheur et c'est pas moi qui vais lui jeter la pierre.
Quand il sort de sa douche, Arnold est accueilli par une salve de plomb qu'il pare aisément vu qu'il est encore un peu humide. Il se dit «L'ennemi est dans la place», mais il ne le voit pas vu qu'il a éteint toutes les lumières. Il s'en veut de n'être finalement qu'une petite flipette...


En attendant, il arrive à choper l'impudent qui, une fois la lumière rallumée, se trouve être une impudente, impétrante de surcroît, vu que c'est carrément Sharon la conne. Sa propre femme depuis 8 ans. Celle qu'il aime par-dessus tout.
Se voyant démasquée, la hyène lui assène un double coup de pied dans les roustons mais elle sait pas que l'Autrichien a des roubignoles rétractables, donc il tousse un peu, ça passe, puis il l'immobilise et l'interroge de manière civilisée avant de l'assommer de façon barbare d'une violente mandale dans sa sale petite gueule de traîtresse au moment où il se rend compte que le mec de V est en bas et qu'il sonne à l'interphone.


Alors, il fuit comme une fiotte, comme Laurent Blanc, et réussit à prendre le métro. Tu sens que les poursuivants sont pas là pour lui demander son cocktail d'anabolisants rien qu'à la façon qu'ils ont d'arroser de plomb l'assistance.


Après il va sur Mars et je te laisse découvrir toute la finesse du Hollandais violent pour t'accrocher dans ce troisième acte pourtant lesté par des enjeux basiques.


Paulo réalise un Blockbuster sanglant et un brin malsain, où il continue à mettre le nez de la société américaine dans son propre caca tout en jouant d'une réalisation efficace où agents dormants, terroristes, nana avec trois gougouttes, crotte-de-nez maousse, naine avec un Uzi, aliens, type avec un vagin sur le visage se croisent et font de ce joyeux foutoir un souvenir impérissable pour ma petite personne.


La bise.

DjeeVanCleef
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le 20 mai 2016

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