Tous en scène ! par Alligator
Pas trop fan des comédies musicales, j'ai toute une culture à parfaire. Quoi de mieux que de commencer par la fin. Cette oeuvre teintée de nostalgie ne se contente pas de convoquer des sentiments de tristesse devant le temps qui passe.
Le personnage de Fred Astaire, bien qu'au départ apeuré par le défi de redevenir une vedette de music-hall, se trouve embrigadé par la troupe d'un très comique Buchanan (sorte d'Orson Welles déjanté, à l'enthousiasme et à la folie drôlissimes) et par là même emporté par une vague de fond de bouillants exaltés (Buchanan, Fabray et Levant). Sans doute également un peu déjà charmé par la troublante et sexy en diable Cyd Charisse.
Le film montre de belle manière le conflit générationnel, entre le clinquant de la nouveauté, l'ivresse de ses excitations et puis la peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas avoir les moyens de répondre à ces défis passé un âge où l'avenir parait derrière et non devant. La rencontre entre la jeune ballerine et le vieux danseur quasi oublié marque fort à propos cette confrontation du temps humain.
Le film est avant tout un spectacle de couleurs, de mouvements vifs et gracieux. Concernant les numéros de danse et de chants, j'aime particulièrement That's entertainment, célèbre, et qui sonne instantanément à mes oreilles. Mais encore plus et surtout ce moment de magie pure, cet instant de grâce et de merveilleux qu'est la première danse, ronde amoureuse entre Charisse et Astaire dans Central Park nuitamment, Dance in the dark pendant laquelle la sensualité de Charisse éclate devant nos yeux. Les deux amoureux offrent un spectacle de délicatesse, une danse pleine de tendresse et de douceur. Un moment magique. Instant de totale compatibilité. Un mariage magnifique. Deux corps à l'unisson, dans le rythme, les arabesques de leurs gestes, qui n'en font qu'un. Ils deviennent, le temps d'une danse, un couple intensément unique, seul au monde. Une des plus belles danses que j'ai vues. Un grand moment de cinéma à ne pas manquer.
A part ces deux numéros, je n'ai pas spécialement ressenti de grands frissons, ni dans les numéros comiques, The triplets ni dans la parodie Film-noir. Et j'ai trouvé que le film manquait d'un peu de liant dans le sens où les numéros sont pour certains d'entre eux reliés au récit de façon un peu trop brutale. Par ex. les différents scketchs du spectacle produit par la troupe. Forcément. Je préfère amplement qunad les comédies musicales justifient les numéros de danse ou de chant dans la narration même du film.
Ce qui m'a beaucoup plu, ce sont également les dialogues, la construction de la mise en scène, le parfait alliage entre dire et faire notamment dans la scène où Buchanan fait la promotion du film à une poignée de producteurs alors que les deux vedettes du futur spectacle se découvrent dans la coulisse avec un dialogue millimétré, crescendo, du plus vers le moins, en un torrent limîde, en cascade des escaliers. Superbe scène où l'on sent et voit bien l'importance centrale de l'écriture dans ce film. Une sorte de chorégraphies des mots (rythme, tonalité, incarnation, duel/danse).