Les films de Claude Lelouch sont au cinéma ce que les romans de gare sont à la littérature : des petites bulles de savon fourmillant d'idées et de malice, un style parfois maladroit mais totalement digeste, un univers peuplé de personnages plus ou moins pittoresques et des intrigues universelles formées de destins croisés, de romances et d'aventures à tire-larigot...
A ce titre Tout ça... pour ça ! est un film pleinement représentatif de l'Oeuvre prolifique de Claude Lelouch. Prédéfini par lui-même comme étant une gigantesque "comédie réaliste" ce film choral est à lui-seul une énorme étrangeté cinématographique : au rythme d'une réalisation à la fois très inventive et parfois lourde dans ses effets le cinéaste joue sur les concepts de synchronicité et de relativité pour mieux insuffler une bonne dose d'existence à ses nombreuses figures.
Disons-le tout de go : nous tenons là un film très drôle et euphorisant, même dans ses plus gros défauts. A partir d'un scénario délibérément alambiqué Claude Lelouch dynamite d'emblée la convention réaliste d'une structure linéaire et balisée : flash-back, séquences formées de projections mentales, conduction du récit menée par une voix-off lors de plusieurs scènes. La somme des intrigues semble être vouée aux vicissitudes de la vie, prenant à moult reprises les apparats d'une immense improvisation dramatique, qui de ses personnages flamboyants, qui de ses hasards, qui de ses coïncidences...
Entre un pauvre type éperdument amoureux d'une bohémienne ( Vincent Lindon ) un garçon coiffeur falot et transi de tendresse pour sa petite fille ( Jacques Gamblin ) et un chauffeur de taxi jouant les Landru de pacotille ( Gérard Darmon ) les juges Francis ( Huster ) et Fabrice ( Luchini, extrêmement hallucinant une fois encore...) se dépêtrent tant bien que mal avec une improbable histoire de suicide, d'agression, de cavale et de faux-billets menée par nos trois pieds nickelés.
Au final Claude Lelouch nous livre un divertissement qui n'échappe pas toujours à la logorrhée visuelle ni aux lieux communs ( certains passages comme le procès inversé des quinze dernières minutes frisent même la vulgarité ) mais suffisamment personnel et généreux pour que l'on puisse en apprécier ses inattendues et belles aspérités filmiques. J'ai beaucoup aimé.