Mais c’est ironique !
Voilà la réponse qu’on vous fourguera pour la quasi-totalité des reproches qu’on peut faire à l’endroit du dernier film de Bonitzer.
Ironique, la vision du monde de la finance, où chaque réunion redéfinit l’organigramme, comme pour un soap qui concentrerait une seule saison sur 90 minutes.
Ironique, ces atermoiements sentimentaux avec les deux sœurs qui partagent le même amant, les parents et leurs secrets enfouis, ce romanesque de bas étage qui voit la jeune génération reproduire les erreurs de la précédente.
Ironique, cette figure de l’ambitieuse (qui plus est, ironie au carré, fille du réalisateur) qui se taille un place comme le ferait un Rastignac 2.0, tout en faisant montre d’une moralité qui n’est pas de mise dans ce monde glacial et pourri jusqu’à la moelle, affirmation assénée par les aînés à grand renfort de sentences (Gregory, Wilson), d’acrimonie (Bacri) ou de Cognac (Huppert).
On reconnaitra à Bonitzer la capacité à mettre en place une atmosphère, notamment par le jeu sur les espaces : des bureaux immaculés de l’agence à la villa du grand patron, contrepoints à l’appartement étouffant du père, l’architecture prend le relai là où l’écriture, la plupart du temps, pèche. Cette sécheresse, qui confine même au fantastique lors d’une assez belle séquence, suffisaient à infuser la distance nécessaire par rapport au discours des personnages. Mais même sur ce point, les maladresses s’accumulent, notamment dans ce motif éculé des apparitions du chien, plus que dispensables.
Au-delà de la dénonciation plus qu’attendue, c’est la réversibilité des tons qui agace : à sans cesse jouer sur plusieurs tableaux, le réalisateur dilue son propos, qui semble au mieux frileux, au pire inepte : car s’il se montre assez distant, notamment avec sa protagoniste, les évolutions de la romance, jusqu’à ce plan final digne d’un soap, semblent vouloir reprendre les rails d’un récit formaté plus que saugrenu au vu des annonces faites auparavant.
En résulte un film bâtard, plutôt soigné dans sa réalisation, mais se drapant dans l’immunité de l’œuvre d’auteur à la française pour nous servir un discours éculé (la finance = le mal) nappé de la sentimentalité d’un téléfilm.