Toy Story
7.7
Toy Story

Long-métrage d'animation de John Lasseter (1995)

Les dernières productions de Pixar Animation Studios laissent nombre de spectateurs dubitatifs, et il n’a jamais été aussi difficile de trouver l’unanimité critique. S’il faut expliquer le secret de la réussite d’une saga telle que Toy Story, comment ne pas rappeler la portée transgénérationnelle du propos originellement pensé par John Lasseter ? Parler autant à l’enfant qu’à l’adulte.


A la suite du court-métrage Tin Toy (1988), le réalisateur est convaincu qu’il faut étendre le projet d’une histoire du point de vue de jouets à un moyen métrage. Sous l’impulsion du producteur Jeffrey Katzenberg, elle devient propre à celle d’un long métrage. Lasseter y voit l’opportunité d’y développer un buddy movie où deux jouets rivaux se confrontent aux péripéties relevant du quotidien un peu chaotique des humains. Les animateurs derrière la conception de Toy Story (1995) décident déjà d’y inclure des éléments de leurs vies, allant jusqu’à puiser de leurs propres expériences. L’ancien employé Sid désassemblant ses jouets lorsqu’il était enfant devient un personnage à part entière en animation 3D.


Dès le premier film de ce qui n’était pas encore une saga (conçu comme un film unique), l’équipe créative ressent le besoin de parler d’elle, et cela est retranscrit par l’écriture des personnages consistant à confondre le rapport entre l’adulte et l’enfant. Les jouets que sont Woody et Buzz ne sont pas plus enfants qu’adultes psychologiquement, bien au contraire ils sont spectateurs de la transmission générationnelle des valeurs humaines. Vivant en secret, ils agissent en recul d’Andy qui cultive leur présence sans se douter qu’ils peuvent ressentir les choses. L’introduction appelle ainsi à la quiétude sous-jacente des jouets dans la chambre recluse du monde bien dangereux qui s’anime derrière eux. Caractérisant les émotions de ses personnages tels des humains, John Lasseter les anthropomorphise tous à la manière de ce qui se fera habituellement ensuite pour les autres productions de Pixar. Les jouets sont des bébés ne sachant pas encore ce que c’est de vivre. Strange things are happening to them.


Pendant l’introduction, Andy fait voyager son meilleur ami qu’est Woody alors qu’il attend avec impatience la fête de son anniversaire organisée par sa mère. Déjà dans la peau du cowboy solitaire à la première personne, le spectateur est convié à apprécier le décor du foyer familial. C’est bien ce jeune enfant qui fait balader son jouet, balancé dans tous les sens, heureux des moments passés avec lui. Le rapport est automatique entre les deux personnages : Woody aime Andy comme Andy l’aime alors même qu’il ne peut s’animer devant lui. L’enfant s’incarne dans Toy Story comme véritable parent du jouet. Il lui donne des leçons de vie de façon inconsciente, le faisant grandir même s’il finit irrémédiablement par s’en séparer pour mener à bien sa propre vie, ici en vacances.


Ses deux jouets préférés prennent conscience qu’ils ne sont pas protégés du monde qui les entoure lorsqu’ils mettent les pieds au dehors du cocon familial. You are a toy, you can’t fly, dit Woody à Buzz. La grande aventure consistera à revenir sain et sauf dans la chambre, parce qu’il ne faut ni blesser émotionnellement Andy, en enfant responsable, et rester sauf à l’abri des dangers multiples extérieurs du monde humain. L’écriture brille avant tout par le fait qu’il soit impossible pour Andy de découvrir que ses jouets vivent autant que lui : le jouet ne peut être l’enfant et le parent d’un humain. Parce qu’au fond, le jeune Andy n’est pas plus responsable que Sid. L’enfant livré à lui-même est horrifié en comprenant qu’il a fait du mal aux jouets, bien plus à l’idée de constater les dégâts qu’il a commis et les répercussions sur lui-même que la découverte en tant que telle de l’animation des jouets.


L’identité de la saga est bien ancrée, l’introspection de l’étourdi Andy se fait par son alter ego Woody qui apprend de ses erreurs. Chez Sid, les jouets sont déformés et ne peuvent pas agir dans leur environnement. Similairement à lui, ils ne sont pas encore éduqués pour s’intégrer en société et doivent briser les interdits comme les Freaks (1932) de Tod Browning pour exister. Se livrer en plein jour, et apprendre le vivre-ensemble…


Pas si facile d’être humain !


A retrouver ici : https://cestquoilecinema.fr/retrospective-toy-story-decouvrir-le-monde-humain/

Créée

le 25 juin 2023

Critique lue 36 fois

1 j'aime

William Carlier

Écrit par

Critique lue 36 fois

1

D'autres avis sur Toy Story

Toy Story
Sergent_Pepper
6

Objets bien animés, vous avez donc une âme !

On se replonge désormais dans le premier volet de Toy Story comme on le fait face aux films muets de Méliès, de Chaplin ou de Keaton : avec cette émotion singulière de contempler l’aube d’une ère...

le 10 juil. 2015

50 j'aime

4

Toy Story
AlexLoos
10

Critique de Toy Story par AlexLoos

Remettons les choses en ordre. En 1995, c'était l'époque de GoldenEye, Une Journée en Enfer, Stargate ou Apollo 13. Un certain John Lasseter arrive alors avec un projet assez fou, celui de créer un...

le 3 mai 2010

49 j'aime

2

Toy Story
AlfredTordu
7

Buzz L’Éclair est-il un personnage souffrant de calvitie ?

Toy Story est un film d'animation réalisé par John Lasseter en 1995. Il est le premier né des studios Pixar, pierre angulaire dans le domaine de l'animation par ordinateur qui par la suite donnera...

le 20 août 2014

39 j'aime

4

Du même critique

Athena
William-Carlier
2

L'action c'est bien, la réflexion c'est mieux

Tout droit sorti des cartons Netflix, Athena s’apparente au film de banlieue comme pouvait l’être BAC Nord l’année dernière. Alors que le soldat Abdel peine à se remettre de la mort de son frère,...

le 26 sept. 2022

50 j'aime

6

Frère et sœur
William-Carlier
1

Et... ta mère aussi !

Il n’est jamais agréable de constater le piètre jeu d’un acteur que l’on apprécie, surtout lorsqu’il est dirigé par un auteur. Le film d’Arnaud Desplechin est une souffrance constante, paralysée par...

le 23 mai 2022

37 j'aime

3

Black Panther: Wakanda Forever
William-Carlier
2

Pour les enfants

Il n'était pas possible d'attendre quoi que ce soit de ce deuxième volet du déjà très oubliable Black Panther, pour la simple raison qu'il n'y avait encore rien à ajouter à la matière très fine de...

le 20 nov. 2022

20 j'aime

1