Le long-métrage le plus dense et puissant de ce début d'année vient du Portugal et s'intitule Traces (Restos do vento en V.O). De sa scène d'ouverture, saisissante, à celle de "fermeture" (25 ans plus tard), terrifiante, le film de Tiago Guedes nous immerge en milieu rural, de la même manière âpre que As Bestas, pour une tragédie moderne, racontée avec une lenteur d'action somptueuse, privilégiant une atmosphère oppressante, au sein d'une petite communauté. Le personnage principal de Traces, faux idiot de village et marginalisé, entouré de chiens abandonnés, représente la mauvaise conscience des autres villageois, pour des faits enfouis depuis des années et qui ne demandent qu'à resurgir. Sorte de suspense shakespearien, à combustion lente, le film s'inspire de traditions païennes d'un autre âge, à base de virilité exacerbée, qui même caduques, restent dans l'ADN d'un village où règne un modus vivendi seulement tenable par le silence et la certitude que la loi des plus forts écrasera les plus faibles, dès que cela sera nécessaire. La manière dont le cinéaste exécute sa partition, en suggérant la violence larvée, dans une constante économie de dialogues, est impressionnante. Dans la représentation de la figure de l'innocence et de l'ostracisme subi, confronté aux préjugés et à la barbarie, l'acteur Albano Jerónimo se révèle bouleversant, dans le pur dépouillement de son incarnation.