"Et mes fesses, tu les aimes mes fesses ? Non ? Et tamponnées, c'est mieux ?"
La Nouvelle Vague tchécoslovaque, c'est la meilleure des Nouvelles Vagues. On a toujours là des films légers, attendrissants et franchement beaux.
Ce que j'adore avec la comédie tchèque des années 60, et évidemment Trains étroitement surveillés n'y fait pas exception, c'est comment les réalisateurs s'emparent de sujets a priori sérieux, graves, très socio-politiques pour les détourner à leur guise, n'en faisant souvent que des prétextes pour saisir leurs personnages dans ce que leur vie peut avoir d'anodin, de trivial, de poétiquement inutile. Les comédies tchèques sont des véritables films de personnages, très légers, très tendres aussi et souvent très drôles.
Comme ici, le pitch solidement ancré dans un contexte historique a priori balisé (la 2nde guerre mondiale en Tchécoslovaquie) laisse penser à un énième film de résistance (contre lesquels je n'ai rien, entendons nous bien). Il n'en est rien. Menzel détourne savamment ce contexte ne le réduisant au pire qu'à un prétexte scénaristique, au mieux qu'à une machine burlesque assez hilarante. En témoigne la première scène du film, notre héros, un sosie frappant du podcasteur insupportable Norman d'ailleurs, se réveille et fait une rapide recontextualisation du film en exposant l'histoire de sa famille. Mais cette contextualisation est purement comique et dérisoire, on y apprend que son grand-père a tenté d'hypnotiser les chars allemands lorsqu'ils sont entrés sur le territoire tchèque, en vain.
Ce qui intéresse vraiment Menzel, ce n'est donc ni les trains, ni la 2nde Guerre Mondiale, mais véritablement son personnage principal, puceau timide et attachant. Et c'est l'occasion donc d'une comédie grivoise d'une rare tendresse sur l'éveil de la sexualité de son jeune personnage, et ses premiers émois amoureux. Et l'occasion pour Menzel d'enchaîner des idées toutes plus farfelues et géniales les unes que les autres (des tampons sur un cul dénudé, le sofa du chef de gare déchiré par une quelconque partie de jambes en l'air impliquant le contrôleur en service et j'en passe). La véritable force de Menzel, et par extension de toute la comédie tchécoslovaque de l'époque (on pense aux Amours d'une Blonde de Forman ou aux films de Stefan Uher), c'est de ne jamais céder à l'exagération, ni comique, ni dramatique. La mise en scène garde cette même force tranquille, légère tout le film durant.
Et cette mise en scène uniformément calme n'y est pas pour rien dans le côté franchement attachant et authentique du film, versant même parfois et presque malgré elle, dans de somptueux éclats. Je pense notamment aux rares scènes d'amour du film qui, sans avoir besoin de s'encombrer de nudité (on n'en voit pas beaucoup et pour une fois, ça correspond au ton général du film), sont d'une sensualité et d'une beauté tout simplement démentes, l'ensemble étant accentué par un jeu sur les lumières du plus bel effet.
Bref, c'est le genre de films imparfaits (parce que tout ne marche pas forcément avec la même intensité, parce qu'un peu long parfois) mais qui ont un capital sympathie infini chez moi.
Vive la Nouvelle Vague tchécoslovaque !