Dans les mines de charbon de Pennsylvanie, des mineurs sont sans défense, exploités de façon éhontée pour les besoins de l'industrie en plein essor. Une seule consolation dans leur misère, les exploits des "Molly Maguires", société secrète qui venge par la violence les injustices faites aux ouvriers. La police décide alors d'infiltrer cette organisation et envoie sur place un détective, qui réussit à entrer en contact avec eux...


Nous sommes en 1876, la société secrète des Molly Maguires commet des actes de sabotage pour contrer les intérêts des propriétaires des mines et imposer leurs revendications sociales par la force. Une consolation évidente pour les travailleurs dont les conditions de travail et de vie n’ont guère d’impacts auprès de leurs patrons. La taupe McParlan (Richard Harris) parvient facilement à s’infiltrer dans la branche criminelle des Molly Maguires, au point de rapidement nouer un lien de confiance avec le meneur des opérations Jack Kehoe (Sean Connery). S’en suit la mise en place d’une ambiguïté morale où McParlan, forcé de participer aux actes de la bande, parvient à accorder une légitimité à tous ces actes criminels motivés par la misère et le mépris constant de la classe supérieure. L’infiltration de la taupe au sein du groupe devient alors l’élément majeur pour apporter une immersion parfaite au spectateur et ressentir lui-même les motivations solides des Molly Maguires. Le procédé est à la fois simple et efficace car à travers la taupe McParlan les deux camps sont définis d’un point de vue interne. L’objectif est ensuite d’amener le spectateur à choisir un camp alors que le conflit social jouit d’un critère primordial : celui de ne pas être manichéen.


Avec cette œuvre à l’allure de drame social, le réalisateur Martin Ritt présente l’intrigue sous la base d’un film policier historique pour le faire ensuite évoluer en ce que le cinéma classique produit de mieux. La croisade des Molly Maguires intervient dans le monde des ouvriers malmenés et des miséreux contraint de subir des humiliations afin de satisfaire les intérêts d’une prestigieuse compagnie minière. Des travailleurs destinés à s’éteindre sans un bruit et sans personne pour les pleurer. Le constat social du film n’épargne en effet jamais le spectateur et décide de ne pas le bercer d’illusions. La domination de la classe supérieure continue à vivre en symbiose dans un monde impitoyable ou les considérations morales et humaines n’ont pas suffisamment de poids pour concurrencer l’ascension de l’échelle sociale et la fortune qui se cache dans ces mines au prix de quelques vies sans importance. L’accent est également mis sur l’aspect paradoxalement vain, mais nécessaire de la cause des Molly Maguires. L’affrontement ne dégage aucune réelle noblesse ni bravoure, il ne s’agit que d’une guerre perdue incapable de mettre fin à cette spirale de violence qui broie tous les hommes sans laisser le minimum de dignité humaine.


Un film remarquable sur bien des aspects, mais qui traîne pendant sa narration une sérieuse lacune. En effet, malgré un contexte intrigant qui a le mérite de ne jamais entrer dans une dimension politisée afin de rester neutre, Martin Ritt n’exploite jamais son idée jusqu’au bout et n’y apporte jamais un réel but. Le film dispose de nombreux dialogues saisissants et multiplient les actions violentes et brutes, mais les idées véhiculées par les Molly Maguires ne s’expriment jamais au-delà des interprétations que nous élaborons nous-mêmes en tant que spectateur. Un traitement assez frustrant, tout du long et jusqu’à la fin, peinant à aiguiller correctement tous les éléments vers un récit cinématographique concret et personnel. Le travail de la conclusion de tout ceci étant sagement légué à la bonne volonté du spectateur.



Conclusion



Traître sur commande est un film policier taillé non seulement dans l’Histoire, mais aussi ancré dans des revendications sociales bien particulières. L’intrigue repose sur un dégoût de la domination sociale comprise d’abord par un groupe de criminel puis par un policier infiltré. La prise de conscience de ce représentant de la loi devenant ainsi l’instrument essentiel pour entamer le débat autour des différentes classes sociales qu’elles soient dominantes ou asservies. Le duo Sean Connery et Richard Harris faisant le reste en s’émancipant de l’habituel récit récurrent du voyou et du flic ironiquement sur la même longueur d’onde.

JasonMoraw
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le 31 juil. 2020

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Death Watch

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