Transformers étant l'oeuvre d'un réalisateur au style décadent, impérialiste, propagandiste et profondément clipesque, il était tout naturel d'y déceler ces mêmes effets et détails profondément gerbants. Reflet de la société américaine de ce début de 21ème siècle, il a tout du grand film historique : culte pour toute une génération, il posait les bases, en 2007, de ce qui serait le divertissement d'action ultra-spectaculaire moderne, bourrin, stupide, croulant encore plus derrière l'humour que des effets spéciaux envahissants.
Drôle de film proche d'un produit de consommation immense, Transformers commence sur un très beau travail de son, pour partir directement dans l'énonciation des clichés les plus gras de la culture américaine : courage des soldats, amour de la femme, de la patrie exacerbé, discours sur ce que l'on fera après la guerre, comme pour signifier qu'il va se passer une catastrophe, plans héroïques, icônisation du soldat, pub gigantesque pour la marine américaine sur fond de soleil couchant des mauvais western hollywoodiens classiques, tout est tellement gros, évident qu'on pourrait penser, tant c'est un délire beauf, que Transformers n'est qu'un troll d'un réalisateur proche de l'auteur.
Un film si beauf qu'en plus de sexualiser Megan Fox (c'est sûr que Bay a du talent pour mettre la femme en valeur de bout de viande), et de multiplier les sous-entendus pendant qu'elle répare la voiture de son futur compagnon (le fantasme de la femme mécanicienne ramené plusieurs fois dans le film, un bonheur nanardesque), il ne lui donne qu'un mince rôle, celui de la bimbo qu'on pensait idiote mais qui devient plus intéressante quand on sait qu'elle s'occupe gratuitement des courroies d'échappement.
Shia LaBeouf serait donc comme tout adolescent qui a ses chances avec une femme populaire : ébloui par les artifices, il en oublie le caractère originel de sa donzelle qui, désireuse de repentir, tente de nous faire croire qu'elle n'aimait pas traîner avec les hommes populaires de son âge. S'y ajoute une critique sociale terrible, où Megan Fox devient le pont entre deux mondes : séparée de son bel aryen fils de bourgeois, voilà qu'elle se met avec un modeste étudiant pas même aidé par son nom (sujet de multiples blagues sauvées par le surjeu fantastique de John Turturro).
A Michael Bay de mettre en image ce personnage de frontière sociale, fille populaire issue d'un milieu modeste presque forcée, à l'entendre, de traîner avec ces tristes richards. Et Shia LaBeouf de compléter la bêtise de l'analyse par l'humour que son personnage impose à la franchise, majoritairement salvateur; outre le fait que Transformers soit un film extrêmement référencé (au point de faire de l'auto-branlette avec Armageddon), il prend souvent au dépourvu par le burlesque de son humour, que Turturro, déchaîné comme un Kong dans un studio Hollywoodien, surjoue avec joie.
Un film si référencé qu'il calque l'introduction de Bumblebee sur une version beauf et légère du Christine de Carpenter, le talent et la finesse en moins (cela va de soi), tandis qu'il multiplie les hommages à la culture pop (citer Freddy Krueger et Wolverine en deux secondes était un tour de force). Désireux de titiller les "connaissances" cinématographiques de son spectateur, Michael Bay se complet dans son name-dropping (de noms d'artistes et de citations de films) au point de partir dans un film d'action mué en publicité pour voiture.
La mythique scène de la Camaro dans le tunnel l'est pour les mauvaises raisons : n'ayant plus rien d'un film, elle prend des allures de vente de voiture, tant au niveau de l'éclairage que de la mise en scène. C'est ainsi le principal défaut, à mon sens, de Transformers : comment l'apprécier en tant que film si son but premier n'est pas d'être un film? C'est plutôt compliqué. Surtout quand on s'intéresse au travail de Bay.
Clipesque, épileptique dans son montage, bordélique à souhait, bourré de lens flare reprenant sans vergogne Spielberg, la seule véritable proposition de mise en scène correspond à la manière de filmer l'action, à échelle d'homme, également gâchée par ses limites : les CGI manquant de précision durant les combats, Autobots et Decepticons ne sont jamais filmés avec assez de détails, de pose pour, sinon les iconiser, qu'on comprenne au moins ce qu'il se passe à l'écran, et qu'on mesure un centième de leur taille et de leur puissance.
Plus proche de l'homme que de ses véritables points d'originalité, Michael Bay fait de ses personnages humains ses personnages principaux, quand on voulait voir les Transformers en héros. Raconter l'histoire de leur planète ne suffisant pas à les approfondir, le film passe à côté de son concept et nous livre une nouvelle invasion d'alien certes dynamique et très spectaculaire, explosive et détente, mais clipesque, complètement idiote, maladroite, stéréotypée (filmer huit fois des pilotes décoller d'un porte-avion sur fond du même soleil couchant), porteuse d'une morale naïve que Disney n'aurait pas refusé (l'acceptation de l'autre par l'intérêt qu'on lui porte, exprimé avec des mots affligeants : "On a perdu un ami pour en gagner d'autres"), en somme, abrutissante.
Et même si c'est un plaisir coupable, il faut reconnaître que c'est plutôt mauvais. Mais d'un côté, n'est-ce pas parce qu'il est mauvais que je l'apprécie tant? Plus qu'un film ultra spectaculaire, Transformers est l'un des nanars indispensables de sa génération.
Merci Michael Bay.