Je m'étais dit que je n'en parlerai pas mais réflexion faite, why not ? Ca nous fait marrer ou ça nous énerve, mais c'est un fait : Michael Bay existe. Ce grand dadais (1m95, ça calme) règne sur le box-office avec un large sourire, nivelle par le bas le divertissement que d'autres s'échinent à traiter avec déférence (au hasard, John McTiernan, feu Tony Scott, James Cameron...), mais remplit les caisses et, reconnaissons-le, amuse sa galerie. D'aucuns vous diront qu'il a évolué avec No Pain No Gain, votre serviteur considère qu'il est juste passé du stade anal au bac à sable, mais passons : pourrir Bay est inutile dans le sens où le bonhomme a très exactement conscience de ce qu'il incarne.
Et si je rêve la nuit de la comédie mordante que des gens comme Trey Parker & Matt Stone (créateurs de South Park) auraient pu tirer de l'hallucinante histoire vraie à l'origine du surestimé No Pain No Gain, force est de constater que ce quatrième Transformers, lui, ne manque pas d'arguments. Plait-il ? Si si, j'vous jure. Enfin, si on veut. Pour les percevoir, le grand écart nécessaire entre plaisir coupable et intégrité cinéphile est sacrément douloureux. N'empêche que cet été, je me suis déplacé. VOST + 3D + une rangée pour moi seul. Royal. J'ai venu, j'ai vu, et Bay a vaincu.
Car soyons sérieux un instant : 2h45. 165mn. 9900 secondes. De Michael Bay. Quand on signe pour ça, faut pas venir se plaindre en sortant. Ou en tous cas, pas après trois films, soit une trilogie qui comprend un premier opus regardable, une bouse insupportable et une daube un poil plus vivable. Mis bout-à-bout avec les entractes, ça fait bien une demi-journée de robots débiles. Contrairement à un Lucy dont on pouvait espérer que son pitch soit exploité avec un minimum d'implication, chez Michou, on sait d'entrée qu'on va faire un tour de Space Mountain, pack de Bud en main. Alors quoi ? Tout, ou presque. Bienvenue dans une nouvelle ère.
Sur la paille, Marky Mark vit avec sa fille trop sexy pour porter un short si court (c'est lui qui le dit, et Michael lui donne raison en contre-plongée). Bricoleur touche-à-tout, il tient un garage aussi géant que celui du ferrailleur dans le dessin animé Le Géant de fer. Ca tombe bien : un Transformer en surgira en fin de premier acte. Mais avant ça, Marky sera appelé à réparer une ancienne salle de cinéma. Une fois sur place avec son collègue, il se moque ouvertement des lieux (à vue d'oeil, ils pourraient être classés), rit des vieilles affiches et du projecteur ("Oh non, ça c'est pas de l'IMAX !") avant d'entamer quelques passes au ballon ovale entre les sièges. Sic.
T'es bien accroché ami cinéphile ? Je te crache au visage, je le sais, tu le sais, et cette fois c'est dans le blanc des yeux. Marky ira même jusqu'à déplorer la mode des remakes et des suites à outrance qui engraisse Hollywood et flingue les productions plus modestes dont vivent des exploitants comme cette salle vétuste. Bim. Et il reste 2h30 de film. T'es bien accroché ? Ok, on t'aura prévenu. Pure note d'intention, cette courte scène déclenche un plaisir masochiste inédit pour qui connaît le cinéma de Bay. Loin des velléités satiriques de No Pain No Gain, ce dernier film lui a au moins fait gagner un petit quelque chose qui change tout.
Et ce petit quelque chose, c'est le recul. Bay ne se contente plus d'incarner le blockbuster débile, il sait maintenant formuler ses envies avant de passer à l'assaut. Tout Transformers 4 en est d'emblée rabaissé, et donc grandi, forcément ! Sous cet angle, comment résister à la débauche de stupidité destructrice vomie sur la toile ? Et encore, non, "vomie", c'est injuste. La période syncopée de Bay est finie. Il soigne le boulot comme jamais, c'est du nawak fait maison. Plus inspiré par Marky Mark que par Shia LaBeouf, Michou évite même les gags scatos mais ose la mort cruelle d'un sidekick comique. Le recul, on vous dit !
Remuant ciel et terre (les deux semblent s'étreindre lors du climax !), Bay y va à fond les ballons, en fait des caisses, démolit ses décors, et ne ralentit jamais. Sauf pour les meilleures scènes, placements de produits tellement énormes, tellement surlignés qu'il forment un running gag ! Là encore, c'est sûrement très conscient, et donc génial. Payé pour shooter des scènes à caler entre deux pubs, le bougre s'en amuse, vous en donne largement pour votre pognon, filme un chinois anonyme qui fait du kung-fu (forcément, il est chinois). Y a même un dinosaure-robot. Chevauché par un robot armé d'une épée. Ca arrive pas avant la fin mais on est déjà ailleurs, fasciné par ce trou noir, cette partouze métallique.
L'imagination, Bay la limite aux onomatopées : Boom ! Vroom ! Schlak ! Il n'est jamais sorti de sa cour de récré, et pour cause, il ne fait que concrétiser les poursuites que tout petit garçon s'est imaginé au moins une fois. Le fantasme est vieux comme une petite voiture rouillée. C'est pour ça qu'il énerve autant : son cinéma est celui du plaisir immédiat ou du rejet instantané. Le mieux avec L'âge de l'extiction est encore d'en avoir conscience pour se laisser aller, y perdre l'esprit. The blockbuster, bitch, celui qui se contente de lustrer sa formule. La leçon est grande. C'était pas bien, mais ça fait du bien.
Le Blu-Ray vient de sortir. Je vais peut-être me le payer, au moins pour le ranger tout près de mon collector de Bad Boys 2. Bad Boys 2, en voilà un film, bien plus fou, qui mériterait quelques mots un de ces jours.