Par souci d'hygiène, je préviens de suite : je vais raconter un bout de ma vie au lieu de causer du film, j'ai besoin de râler un peu. La note n'a bien entendu aucune valeur.
C'était ce matin à 10h30. J'arrive avec ma môman (Bay nous fait plutôt marrer dans la famille donc séance commune oblige, surtout l'été) pour découvrir la chose en VO 2D. En tout on devait être dix dans une salle de 620 places, et que des gens seuls à part nous. Autant te dire que l'endroit était plus silencieux qu'un film de Tarkovsky. S'il n'y avait pas eu la séance elle-même, on aurait pu tous s'allonger individuellement sur un love seat et faire de la méditation. Jusqu'ici tout va bien, on mange les bandes-annonces et pubs de rigueur, la salle s'éteint, les smartphones aussi, et le logo Paramount nous saute au visage...avant que de simili astéroïdes jaillissent de derrière la montagne et ne partent s'écraser au milieu d'un champ de bataille, d'où émerge Lancelot. Pas de doute, on est dans la bonne salle salle ! Je trouve juste étrange que le projectionniste ait dû rogner l'écran verticalement à gauche et à droite, mais après tout, peut-être que ce prologue dans le passé a été tourné dans un format différent, comme le début du Monde fantastique d'Oz ?
Sauf que mes yeux commencent à ressentir comme une pointe de suspicion, et quand déboule la partie contemporaine du récit, ce qui était sensible dans le prologue devient évident : en plus des bandes noires verticales, le format ne cesse de changer à l'horizontale, comme si on s'amusait à zapper du format 1.33 à un bon gros 2.40 d'un plan à l'autre. Résultat, l'écran géant est soit réduit sur les côtés, soit carrément filtré par un cadre noir qui le réduit à allez, deux tiers de la toile. Soit une petite fenêtre, à l'échelle du long-métrage. La concentration requise pour ne pas faire gaffe à ce bordel asymétrique est de taille. Je décide de retourner à l'entrée, deux étages plus bas (enfin, trois si on compte la descente depuis le dernier rang) pour signaler la chose. Gentil, le garçon de l'accueil contacte le projectionniste et me dit de "ne pas hésiter à revenir s'il y a d'autres soucis". J'ai failli répondre "C'est cool merci à vous, mais j'aimerais bien rester dans mon siège...", je me suis retenu sans regret car les quelques fois où je suis allé râler dans ce cinéma, ils ont toujours réglé le souci.
Je remonte dans la salle et vois Marky Mark bourriner du robot au ralenti. Merde, j'ai raté l'arrivée du héros ! Pas grave, connaissant Michou, c'est pas ce qui va manquer les tas de muscles en slow motion. Je refais l'ascension, retrouve mon siège et attend de voir les cadres de Bay enfin manger tout l'écran. Trente minutes passent et rien ne change. J'ai eu beau essayer de me plonger dans le film, rien à faire, le truc aurait été en noir et blanc ou la salle restée allumée, ça aurait été la même, pas moyen de profiter du feu d'artifices. Ma génitrice trouvait qu'un truc n'allait pas, une vague impression mais n'avait pas remarqué le problème avant que je ne lui explique ce qui me rendait nerveux. N'ayant pas que ça à foutre que d'aller exiger une projection normale après 1h de film, on se lève cette fois tous les deux, on prend nos affaires et on retourne à l'entrée pour réclamer notre pognon ou une place gratuite. Calmement bien sûr, car ce n'est pas la faute au mec vu tout à l'heure. Il va voir ses collègues, revient, et m'annonce que le remboursement est impossible.
Et c'est là que cette petite histoire devient un enjeu cinéphile très concret, pile à mi chemin entre art et industrie, et où je me suis retrouvé dans la position désagréable du râleur, du client mécontent. Le seul. Marrant comme le nombre fait tout : si cinq ou six personnes supplémentaires étaient venues pour exactement la même raison, la question ne se serait peut-être pas posée. Un peu gêné, l'ouvreur m'explique :
"-Le projectionniste est allé voir en salle 2, où le film passe en VF, et c'est la même chose. Il a été tourné comme ça, ces changements sont normaux, il ne s'agit pas d'un problème technique et nous ne pouvons donc pas vous rembourser. Si vous le souhaitez, vous pouvez aller voir un autre film..."
Je reste calme, prenant conscience que je vais, aux yeux du monde, monter en grade en passant de simple râleur matinal à nerd casse-couilles et prétentieux, car je suis une vraie teigne quand un commerce essaie de me la faire à l'envers :
"-Excusez-nous mais il est presque midi, on ne va pas aller voir une moitié de film. On n'a pas payé pour une projection comme ça, on était peu dans la salle et si les autres personnes ne se rendent pas compte du problème, tant mieux pour elles. Je suis allé voir Avatar trois ou quatre fois ici à l'époque, dans plusieurs salles différentes, et la projection était impeccable. Idem pour The Dark Knight, dont certains plans avaient été tournés au format IMAX. Passer un film dans ces conditions, ça n'a rien de normal."
Traduction : je n'ai rien contre toi mais ta gentillesse ne vaut pas les 7 balles 90 que la dame ici présente a raqué pour accompagner son fils se marrer un bon coup, puis si j'avais été tout seul et que j'avais pas eu la carte illimitée, je serais venu réclamer tout pareil. Le jeune homme décide de faire venir sa collègue, qui tente à son tour de nous dire qu'ils n'y peuvent rien, et me demande finalement ma preuve d'achat. Elle accepte d'effectuer le remboursement. Satisfait, je lui laisse mon smartphone et, à son retour, je cherche (sincèrement) à comprendre ce qui s'est passé pour que les plus grandes salles de la ville charcutent leur plus grosse sortie. Et la réponse tombe :
"-Le film a été tourné en IMAX monsieur, et comme ici l'écran n'est pas adapté, ça occasionne ces changements de format.
-Attendez... Vous projetez une copie IMAX ici ?
-C'est la seule copie que nous a fournie le distributeur."
Nom de Zeus ! Mais tu m'étonnes que ce soit hideux. Je demande comment ils ont pu accepter de se voir fournir uniquement de l'IMAX alors qu'ils n'ont pas de salle adéquate, la jeune femme n'en savait rien. Je ne l'embête pas plus, les remercie pour leur geste, et on s'en va. Il faisait beau, on est parti manger à l'extérieur, la journée n'est pas perdue. Mais tout de même, ce petit incident me fait réfléchir et, dans ma tête, j'en arrive à une énième métaphore alimentaire. Si un restaurant s'amusait à servir un plat de lasagnes dans une assiette ridiculement petite, fournissait une fourchette pour manger de la soupe ou ne disposait pas de chaises, ce serait le scandale immédiat. Là, j'ai dû me mettre dans une position que je n'aime pas avoir, celle du type forcé de faire la morale pour expliquer qu'il est dans son droit. Si je suis seul sur dix personnes à voir qu'on se fout de notre gueule, forcément, j'ai l'impression de faire de ma diva. Heureusement, la sensation désagréable qui fait son entrée dès que je me fais blouzer a pris le dessus.
De ce que j'ai capté du film, Merlin est un poivrot qui s'exprime à coups de phrases "C'est un truc genre la fin des temps là-bas !", Castro est tellement laxiste qu'il autorise les Transformers (ici de véritables réfugiés de guerre tombés du ciel) à s'amuser comme ils le veulent sans incarcérer les plus dangereux comme le font les USA, et Mark Whalberg ne voit plus sa fille sous peine de se faire arrêter – il explique ça après qu'un petit robot volant lui ait ramené sa bière depuis le frigo. Impossible pour moi de vous dire si cet opus est aussi rigolo-débile que le 1 et le 4 (deux petits plaisirs coupables, en tous cas sur grand écran avec un son ad hoc) ou aussi chiant que les épisodes 2 et 3. Par contre, la franchise met ENFIN des enfants en héros ! Vu les origines de la saga, c'est franchement cool, et j'étais curieux de voir ce que ça donnerait. Je ne le saurai pas, faute de temps pour retourner voir le film.
Je suis venu, j'ai pas beaucoup vu, mais j'ai vaincu l'escroquerie joyeusement planquée par l'enseigne et, j'espère, poussé le cinoche à acquérir une copie décente. En espérant ne pas être le seul à gueuler s'ils persistent avec cette cochonnerie car, Transformers ou pas, c'est juste pas possible de massacrer un film et de flouer le public de cette façon. A moins que toutes les salles de France en soit réduites à proposer des séances aussi pénibles faute de copies adaptées ?