Le cinéman indien

Voulant à tout prix débuter l'année par quelque chose de décevant, j'ai décidé de lancer Trap de Shyamalan.

Ce film m'embête. Il m'embête parce qu'il est bourré de facilités, au point où je crois ne pas avoir vu pire dans le genre de toute ma vie, et il m'embête d'autant plus que ça semblait être prévu de la part du réalisateur… et je ne vois de toute façon pas comment le gars derrière Sixième Sens, Incassable et Signes aurait pu écrire de telles aberrations en étant premier degré. D'un autre côté, loin de moi l'idée de mettre Shyamalan (encore) sur un piédestal. Des merdes, il en a fait, Le Dernier Maître de l'air et After Earth pour reprendre les pires (on notera que dans ce dernier, on retrouve aussi le coup de la célébrité qui fait jouer son enfant), et même Knock at the Cabin, son avant-dernier film, était quand même vachement effroyable à visionner. Est-ce que le bonhomme a conscience que ce qu'il fait est nul, tout du moins qu'il a perdu de son talent, et que, par corolaire, il décide de traiter ça de loin ? De jouer sur la carte du second degré ? Du cynisme ? Peut-être. Impossible pour moi de ne pas penser à l'épisode de Crossed sur Postal face à ce genre de cas.

J'ai l'impression que je commence à partir sur une comparaison désastreuse entre Shyamalan et Uwe Boll, et ce n'est absolument (et heureusement) pas mon but. Donc, on va tenter de faire fi de cet attentant à la suspension consenti d'incrédulité (je sais c'est compliqué) et se poser d'autres questions. Est-ce que mis à part ça, le film a des qualités ? Justement oui. Déjà, la photographie est réussie. Certains plans fonctionnent, comme celui dans lequel l'antagoniste est entouré par des milliers de smartphones, fonction lampe de poche activée : certains passages arrivent à être tendus. L'inversion des rôles de proie et de prédateur fonctionne (on pourrait presque prendre Trap comme un Die Hard inversé maintenant que j'y pense), et comme toujours chez Shyamalan, il y a un choix intéressant en ce qui concerne les couleurs… bien que sur ce point-là, étant daltonien, je ne suis jamais des plus attentifs.

Là où j'ai pris le plus de plaisir à voir Trap, c'est pour son adaptation littérale de Hitman (plus particulièrement un Code 47 qui aurait combiné avec un build de 10 de Chance de Fallout). Comme si Shyamalan avait conçu un niveau entier pour le titre de IO Interactive, PNJ et autres éléments spécifiques du jeu vidéo inclus (ce qui expliquerait les facilités du coup, le fait que tout le monde soit con). Le fait de feinter en nous présentant plusieurs fusils de Tchekhov, pour ne pas les réutiliser plus tard, irait d'ailleurs dans ce sens… m'enfin, quitte à me proposer un nouveau niveau de Hitman, je préfère le jouer que de le regarder. Ça me semble un peu être la base du truc.

Autre surprise du film, une fois arrivé à la moitié, il chambarde complètement son principe, sortant du stade dans lequel a lieu le concert, pour lui préférer le mouvement (pour le coup, on passerait presque des derniers Hitman à Hitman Absolution, avec tout ce qui s'ensuit), la proie et les prédateurs finissant tous deux par opter pour le mouvement. Si l'idée, la manière comme cela est amené, fonctionne (la révélation auprès de la chanteuse puis son alerte en live), force est de constater que le film perd en intérêt encore plus qu'il n'en avait perdu jusque-là.

Pour revenir sur la suspension consentie d'incrédulité, Shyamalan va tellement loin dans son délire que j'ai cru, une fois arrivé à la fin, qu'il allait nous faire le coup d'inclure Trap dans l'univers d'Incassable, de Split et de Glass… bon heureusement, il nous a épargné ça… quoique, m'étonnerait pas que l'un de ses films suivants recoupe avec la trilogie.

Bref, Trap est probablement ma plus grosse interrogation dans la filmographie de Shyamalan. Loin des pires films du réal', il s'éloigne encore plus de ses meilleurs, reste que ce n'est pas déplaisant à regarder. On rigole devant le film, certes, mais on rigole de lui et non avec lui, ce qui fait que je l'ai trouvé encore moins drôle qu'un The Visit, qui n'était déjà pas bien fameux à ce niveau-là. C'est le genre de film que je reverrais d'ici à quelques années, je pense, soit pour le réévaluer… soit pour confirmer que c'était bien de la merde.