Trap
5.5
Trap

Film de M. Night Shyamalan (2024)

Trap est le meilleur Shyamalan depuis Split. On y retrouve les mêmes aspirations, espace clos, traque d'un tueur, point de vue de la victime qui essaye de s'échapper. Les codes d'un film d'horreur tout ce qu'il y a de plus classique mais là où Shyamalan surprend, c'est dans sa prise de position. Car même si les rôles s'inversent à un moment, c'est bien le point de vue du tueur, sa psyché, la manière dont il pense, élabore son plan, etc qui sera au centre du film. Josh Hartnett est d'ailleurs exceptionnel dans ce rôle. J'adore la manière dont il joue le sociopathe, avec beaucoup d'humour, de malice et de complexité.

La critique semble unanime sur les nombreuses ficelles ou facilités scénaristiques. Tout arrive tout cru dans la gueule du boucher, il fait copain-copain avec un membre du staff du concert, et hop il récupère une carte, un code, puis peu après un talkie walkie. On ne sait pas si c'est de la paresse scénaristique ou si le "héros" a juste le cul bordé de nouilles. Moi j'ai adoré cette première partie où Cooper joue d'une chance de cocu et d'un culot effarant (le gars se fond carrément dans la masse policière en plein discours d'un chef des opérations, et personne ne capte rien). On a un vrai travail de reconstitution dans cette partie avec plus d'une douzaine de compositions originales, de chansons de la fille de Shyamalan qui ponctuent le film et je trouve que les critiques ne s'attardent pas assez sur cette dimension du métrage. Une douzaine de chansons ont été écrites pour le film, pour être pour le coup le plus réaliste possible dans la reconstitution d'un concert live, sans parler de la gestion de la foule, de la manière dont Shyamalan a réussit a capter cette atmosphère si particulière et avec énormément de rigueur et d'inventivité. On pardonnera donc ce pistonnage d'autant que les chansons sont de qualité.

Ensuite il y a la deuxième partie et là encore, la critique a été unanime, "longue", "lourde", "bourrée d'incohérences", "inutile". La transition entre le stade et la seconde partie à l'extérieur est un peu tirée par les cheveux je suis bien d'accord. Cooper aurait du se faire prendre après le concert, avant d'entrer dans la limousine, il aurait du passer un contrôle, se faire interroger et se faire choper.

Passé cette facilité, la seconde partie ouvre le récit sur autre chose, elle nous permet d'adopter un autre point de vue, celui de la chanteuse qui se retrouve au cœur de l'opération contre le boucher, à ses dépens. Là encore j'ai trouvé très malin le glissement de point de vue, qui ensuite rebascule sur Cooper, on a une vrai dualité, un vrai duel qui s'installe. Lady Raven n'a pas froid aux yeux, de quoi décontenancer Cooper à qui pourtant le sang-froid ne manque pas. On verra au passage une utilisation maline des réseaux sociaux, dont le tueur ne doit pas vraiment soupçonner le pouvoir réel.

Déjà on entre dans l'intimité du personnage de tueur, et sa double vie, on découvre sa couverture, sa famille. On le voit se faire avoir à son propre jeu mais réussissant toujours à rebondir. On en apprend également d'avantage sur son instinct meurtrier. On trouve même une référence éloignée à Glass, lorsque Cooper affirme qu'il n'existe pas de personnes "entières", qu'on est tous "brisés", il parle aussi d'un soi-disant "monstre" qu'il abrite et la dualité entre lui et ses pulsions, pouvant faire référence à Split. A ce propos, il est très difficile de déceler le vrai du faux dans ses affirmations, car rappelons-le, le personnage est malicieux, dérangé, on sait par exemple qu'il aime profondément ses enfants, qu'il a conscience de son état, il explique même que dans son plan initial, il devait se donner la mort, mais à la fin, il s'échappe (tout du moins on le laisse supposer), avec ce rictus qui nous montre encore une fois à quel point il jubile sous pression. C'est un peu l'inverse du personnage de Kévin dans Split qui était un pauvre garçon abîmé qui se cachait derrière plusieurs personnalités dont "la bête." Là Cooper (ou le boucher) est beaucoup plus ambigu et complexe, il ne souffre pas d'un trouble de la personnalité mais est un véritable sociopathe insaisissable. On a aussi une ébauche de l'origine du mal de Cooper, qui serait en lien avec sa mère (comme Kévin) mais là encore, rien n'est vraiment dévoilé et le spectateur ne peut que dresser des suppositions. Cooper semble en effet obsédé par sa mère, (la profiler avait vu juste) mais on n'en sait pas beaucoup plus.

La seconde partie se ponctue de plusieurs situations où Cooper semble acculé et à chaque fois par le miracle du montage et du découpage, il se tire des pires situations sans que le spectateur ne soit mis au parfum du "comment" ou du moins sans que rien ne soit montré. On apprend par exemple que Cooper avait aménagé un sous-sol dans sa maison, lui permettant de sortir un peu plus loin (sans qu'on ne voit rien de ce fameux passage), de même qu'il va réussir à récupérer une tenue de policier, ou réussir à s'échapper d'une limousine encerclée par la foule, sans que l'on ne nous dévoile comment il a fait. Ces facilités scénaristiques me semblent bien trop grossières pour ne pas être voulues par le réalisateur mais le doute est toujours permis quand on connait la part "naïve" de Shyamalan présente dans une grande partie de sa filmographie.

Est-ce une façon de piéger le spectateur, de le surprendre en jouant avec les codes de la réalité et de la fiction (qui ont dû l'obséder pendant une bonne partie du tournage où il a recrée ce concert géant et a filmé dans ces même conditions ) où est-ce des grosses maladresses d'écritures ? Je vous laisse seuls juges.

Moi personnellement, je me suis laissé porté par l'interprétation de Josh Hartnett, l'inspiration de Salika Shyamalan, le désir de M. Shyamalan, encore une fois, de nous montrer les choses différemment, sous un angle différent, ne trahissant pas son pitch initial. On a peur pour le tueur, on prit en silence pour qu'il s'en sorte, on frissonne, on jubile, on rigole bien aussi, la multiplicité des tons étant aussi une constance dans l'œuvre du monsieur et il continue de me surprendre notamment dans sa rupture de tons où il s'échappe avec son tueur, à son genre de prédilection, le huit-clos, pour nous proposer encore autre chose et développer encore un peu plus les thèmes abordés. Mais encore une fois, le huit-clos total était une option envisageable (et une bonne), je vous laisse seul juge. Je croyais personnellement que le film serait "coincé" dans le stade et j'ai été surpris.

Pour les amateurs de twists, celui proposé dans Trap n'a pas la portée espéré. Mais cela fait bien longtemps que le réalisateur a cessé de s'enfermer dans l'utilisation de Twist qui vous retournent le cerveau. Là ou le 6ème sens et Incassable était des cadors du genre, ici on se retrouve avec une donnée que l'on ne soupçonnait pas mais qui ne change rien à notre appréhension du film ou à sa compréhension.

Idées de twists géniaux : Cooper n'était pas vraiment le tueur mais plutôt un curieux malsain ou un mec en recherche de gloire et d'attention.

Ou alors la femme de Cooper était au courant des agissements de son mari et serait ou deviendrait sa complice. On pourrait même mixer les deux et le boucher serait en réalité la femme de Cooper qui l'ignorait.

uther
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le 9 août 2024

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