No Country for Coal Miners
Le Traquenard fait penser aux films Coen dans la mesure où, comme les deux frères, il jette ses personnages dans une machine infernale qui va les broyer, mécaniquement, sans raison, jusqu'à l'absurde. Le héros et les gens qu'il croise vont pourtant se démener et courir à droite et à gauche - tout comme le spectateur - pour tenter de comprendre le pourquoi de ce comment et réassembler un puzzle cruel et étrange. Est-ce un complot ? Une vengeance syndicale ? Un sosie voulant prendre sa place ? Qui est cet homme placide dont le stoïcisme et l'incongruité le rapprochent du rôle de Javier Bardem dans No Country for Old Men ?
Un malaise surréaliste naît d'une réalité toute banale mais parfois en léger décalage - le Diable est dans les détails. L'on tombe carrément dans le fantastique avec l'introduction étonnante mais très terre-à-terre de fantômes : même après la mort, la réponse n'est toujours pas à portée de main et la frustration de l'observation passive est un horrible châtiment. Sous cette membrane thrillo-fantastique pointe un questionnement subtil et la nécessité pour les personnages de dépasser une aporie existentielle.
En filigrane social est en outre dessiné le monde dépassé et misérable des mineurs, sa crise, la dureté et la dangerosité du labeur qui laisse sur son sillage trous de terre, hommes détruits et villages abandonnés.
Déjà, l'image en noir & blanc du cinéaste est parfaitement maîtrisée avec un attrait certain pour le travail des contrastes de textures lisses et granuleuses. Avant le sable et le caoutchouc collant aux peaux, Teshigahara présente une image profondément érotique d'un corps féminin filmé en gros plan, enveloppé d'une pellicule de sueur qui annonce les courbes sableuses de la femme des dunes.
Le Traquenard, en tant que premier long-métrage du réalisateur est sans doute moins maîtrisé, moins abouti que ses autres adaptations de Kobo Abe. Mais il est un film à l'ambiance forte par ses images et sa bande-son et à la symbolique discrète mais puissante. Un film qui porte déjà en germe les thématiques favorites de son réalisateur et de son scénariste.