Et si on arrêtait de prendre le spectateur pour un con?

Mon avis sur ce film est très partagé: j'y ai vu beaucoup de bonnes choses, mais il était si pénible à regarder. J'expliquerai pourquoi dans un instant.

Pour commencer, j'ai apprécié le début qui installe tranquillement une ambiance angoissante maritime, tout en distillant des éléments étranges de la vie de Jess sans qu'on comprenne nécessairement tout. J'avoue que le cliché du fils autiste m'a un peu refroidie, il y a une quarantaine de films du même genre... Les personnages étaient assez inintéressants, encore des histoires de couples, mais le mystère du fils de Jess suscitait quand même la curiosité.

Il en va de même pour la grosse tempête qui emporte l'une des passagères. J'ai bien aimé la scène d'action où ils se font emporter par les vagues, elle était à la fois anxiogène et assez bien filmée pour qu'on comprenne ce qui se passe. L'arrivée du groupe sur le bateau est plutôt réussie, même si ça traîne un peu au bout d'un moment. Le souci, c'est qu'à partir de là les personnages ont commencé à devenir cons. Et là, ça casse tout, il y a Greg qui sort des phrases débiles à Jess, pareil pour les autres... Donc pour moi c'est foutu.

On en vient au problème principal pour moi: lorsque le spectateur prend conscience de la boucle temporelle dans laquelle est enfermée Jess, le film commence à le prendre pour un con. On pourrait très bien supprimer certaines scènes, le film s'en porterait mieux. Il n'y a pas besoin d'expliquer ce que le spectateur a déjà compris: oui on a vu qu'elle était coincée dans une boucle, oui on a compris que c'était elle dans les scènes précédentes, qui perd son trousseau de clefs, qui apparaît dans le miroir, etc...

Le film aurait dû se contenter de quelques éléments clefs, comme l'altercation avec Victor, Jess qui les voit arriver du haut du bateau... Parce qu'on a déjà tout vu une fois, donc on se le retape une deuxième fois... Puis une troisième fois!! Je comprends que la complexité du film réside dans trois strates temporelles majeures, mais la surcharge devient pénible pour le spectateur, d'autant plus qu'on lui mâche tout.

Heureusement, ces révélations un peu molles sont dynamisées par des scènes choc comme les corps accumulés sur le pont, ou le corps dans la mer bouffé par les oiseaux... On comprend aisément que même si les choses ne se passent pas toujours de la même façon dans la boucle, l'issue reste la même. Et c'est bien, ça montre qu'ils ne peuvent pas échapper à leur sort. Jess a beau se débattre comme elle peut, elle est coincée comme un hamster dans sa roue.

Quand on sort ENFIN du bateau et que Jess retrouve son double ainsi que son fils, ça devient intéressant. Même si c'est attendu, le dénouement est bien écrit. Cela m'a permis de confirmer le thème principal du film, qui saute aux yeux quand elle se voit interagir avec son fils.

Pour moi, c'est un film sur le deuil, et la culpabilité. Elle n'arrive pas à accepter la mort de son fils, et choisit de revivre inlassablement le même drame en espérant changer quelque chose. Sauf qu'on ne négocie pas avec la mort. A chaque moment qu'elle est confrontée à la mort, elle espère pouvoir la changer, en vain. On peut se demander si la mort de son fils est arrivée plus tôt d'une autre façon, en tout cas il est clair qu'elle se sent coupable, et responsable.

Ce n'est pas un hasard si la fin nous montre des fragments de sa vie qui étaient occultés au début: elle lui met des gifles, lui hurle dessus, en a marre de lui. Lorsqu'elle se voit faire, elle se sent coupable, elle se déteste, d'où provient probablement son envie de se tuer.

Bonne conclusion, attendue certes, mais à sa place. En attendant, le tout était mal exécuté pendant la majeure partie du film. Dommage, pour une histoire originale, entre Shining et Inception mais sur un Overlook flottant...