Voir le film

Scroll down for English.


« Triple Frontière » tire son nom du point d’intersection des frontières du Brésil, du Pérou et de la Colombie – et non de l’Argentine, du Paraguay et du Brésil comme le proclame la description délirante du film sur ce site. Il s’agit du dernier film en date du réalisateur J.C. Chandor, connu entre autres pour « Margin Calls » sur la crise financière de 2008 et plus récemment le polar « A Most Violent Year », déjà avec Oscar Isaac.


Ledit Oscar Isaac interprète ici Santiago Pope, une sorte d’agent spécial américain, hispanique, donc parlant parfaitement l’espagnol, détaché auprès de la police Colombienne, et acharné depuis plusieurs années à coffrer le baron local, un certain Lorea. Ayant finalement appris l’emplacement de la planque secrète de Lorea, qui garderait tout ses précieux dollars chez lui par peur des banques (peut-on lui donner tort ?), notre ami Pope décide tout simplement de braquer Lorea – en profitant de l’occasion pour l’éliminer – et recrute pour cela quatre vétérans avec lesquels il a jadis servi. Ceux-ci se sont, plus ou moins, reconvertis dans le civil et sautent donc sur la promesse de millions de dollars à saisir.


Le film emprunte au "caper" sa dimension de film de "plan" et de "recrutement d’équipe" et sait se montrer particulièrement efficace dans le domaine. Les séquences dédiées à la reconnaissance et au planning sont sommaires, mais le métrage prend une tout autre dimension lorsque survient finalement la scène du braquage. Haletante, filmée sous une pluie amazonienne torrentielle – un artifice atmosphérique facile, diront certains – elle retranscrit parfaitement pour le spectateur tous les états par lesquels passent les personnages : de la déception initiale à la tension suffocante de l’extraction en passant par l’excitation de la découverte du magot.


Evidemment, rien ne se déroule jamais comme prévu. Les éléments vont s’en mêler, et notre sympathique "caper" va se parer des atours du film de survie à la sauce "buddy road movie".


Outre une exécution technique irréprochable, l’intérêt principal de « Triple Frontière » réside néanmoins dans la manière dont le film traite la question de l’avidité et ses effets terribles. Le trésor, inouï, est trop lourd, dans tous les sens du terme, pour les personnages à supporter. À ce titre, il convient de rendre justice à Ben Affleck, acteur débonnaire abonné aux rôles de gentil, impeccable dans ce rôle d’ancien militaire incapable de raccrocher, d’abord réticent, puis séduit par la promesse d’une fortune destinée à assurer l’avenir de sa progéniture.


Ben Affleck possède deux scènes exceptionnelles. La première, évidemment, a lieu au village péruvien près duquel nos personnages ont atterri en catastrophe. Le massacre, aussi inéluctable qu’un inutile – un gâchis total de vies – annonce le sort final du personnage : il n’y a pas de retour en arrière possible après une telle abjection. La seconde est la dernière que vit le personnage. Au cours d’une fusillade dans les Andes, après avoir froidement abattu un assaillant d’une balle dans la tête, Affleck est surpris par derrière par le fils adolescent du fermier qu’il a tué. Trop fébrile, le jeune a commis une erreur et alerté Affleck, qui se retourne. Et pendant une fraction de seconde, le regard des deux personnages se croise. Un soldat d’élite avec autant d’entraînement, de réflexes et d’expérience ne flancherait pas, et tirerait le premier. Pourtant, Affleck ne tire pas, et le paye de sa vie. Une action, peut-être volontaire et finalement dictée par une conscience qui l’a rattrapé et lui refuse un recours de plus à la violence, réalisant qu’il ne pourrait vivre avec la culpabilité d’un meurtre de plus ?


La fin du film me paraît manquer d’ambition. À force de vouloir jouer sur de trop multiples tableaux, le film s’enlise et ne convainc pas totalement. Chandor aurait pu – et aurait dû – pousser plus loin le thème de l’avidité, délaissé au profit d’un final dédié à l’amitié et à la solidarité. Il s’agit, certes, d’une conclusion méritée pour les protagonistes du film, mais pas entièrement satisfaisante pour le spectateur tant le film semble ne pas réaliser son plein potentiel.


À défaut d’être un très grand film, il s’agit néanmoins d’une vraie bonne surprise en ce milieu d’année 2019.



The Weight of Greed



“Triple Frontier”, named after the area where the borders of Brazil, Peru and Colombia meet, is the latest movie directed by J.C. Chandor, known previously for movies such as “Margin Calls”, about the 2008 financial crisis, and “A Most Violent Year”, a crime movie /drama starring Oscar Isaac.


In the movie, Oscar Isaac is Santiago Pope, a Hispanic-American special agent working under cover with the local police force in Colombia. For the past few years, Pope has been devoting most of his time and energy to end the rule of terror of Lorea, leader of a powerful drug cartel known for his notorious fear of banks (which, after all, maybe not entirely undeserved). When he eventually learns the location of Lorea’s hideout, Pope decides to seize the occasion to rob the cartel’s leader – and kill him in the process. For this heist, Pope enlists the help of four veterans whom he used to serve with. None of them being very successful in their civilian life, they are easily convinced.


Starting as a "caper" movie, “Triple Frontier” rapidly cuts through the sequences dedicated to the recruitment of the team and the planning of the heist to the execution of the said heist itself. The whole sequence is exceptional. Shot under a diluvian Amazonian rain – which some would call a cheap and easy way to create atmosphere – it perfectly conveys to the viewer the emotions experienced by the characters: the initial disappointment, the excitement following the discovery of the treasure and the breathtaking tension of the final getaway of the characters.


In movies, plans never go smoothly and things rapidly become very tricky for the characters. From a "caper", “Triple Frontier” turns into a buddy road movie with a minor in survival in the Andes.


However, aside from a flawless cinematography, the film’s main interest lies in the way it deals with greed and how it highlights the terrible effects it has on the characters. Lorea’s treasure is both too heavy for their helicopter to carry and for the characters’ conscience to bear. Ben Affleck, especially, although more used to playing regular, good guys, delivers an amazing performance with that role of former soldier who cannot move on from his past active duty, who is first unwilling to even take part in the heist before being seduced by idea of bringing a fortune home to provide his kids with a bright future.


In the movie, Ben Affleck stars in two exceptional scenes. The first takes place in the Peruvian farming village where the helicopter carrying the treasure and the characters had to make an emergency landing. What follows, when farmers meet the suspicious looking yankees, is a massacre, as predictable as it is gratuitous and meaningless. It seals the fate of Affleck’s character, for whom there is no going back from such an ignominious act. The second scene follows shortly after and is also the last moments experienced by the character. During a shoot-out in the mountains, right after coldly killing one of their attackers by a bullet in the head, Affleck is snuck on by the teenager son of the farmer he shot before. Inexperienced, the youngster makes a mistake and the noise alerts Affleck who turns around. For a second, their eyes meet. Such an elite soldier, with his vast experience, exhausting training and fast reflexes, would not flinch and would shoot first. However, Affleck does not shoot, and is shot. A final, conscious act of renouncing to violence and granting the kid his revenge, knowing he could not bear the guilt of another murder, perhaps?


The final part of the movie, to me, is lacking ambition. By borrowing from too many genres at once, Chandor loses track of the main point of the story, which could, and should, have been about the effects of greed. The final is instead dedicated to friendship and solidarity. It offers a peaceful, and deserved, conclusion to its protagonists, but fails to entirely convince the demanding spectator, as the movie does not seem to achieve its full potential.


If “Triple Frontier” is not the great film it could have been, it remains a very decently crafted movie and a very good surprise for this first half of 2019.

Aramis
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Films vus en 2019 et Top 10 Films de l'année 2019

Créée

le 6 mai 2019

Critique lue 166 fois

3 j'aime

2 commentaires

Aramis

Écrit par

Critique lue 166 fois

3
2

D'autres avis sur Triple frontière

Triple frontière
Peaky
7

Plata y Plomo

Netflix a sorti un bon film. C’est devenu presque bizarre de le dire, on commençait à doucement connaître la chanson. Un pitch alléchant, un casting de mastodontes et puis patatra. Pas cette fois...

le 13 mars 2019

46 j'aime

5

Triple frontière
EricDebarnot
3

Triples buses

Cela fait plus d’un demi-siècle que nous, cinéphiles français, avons été biberonnés à la « Politique des Auteurs », cette géniale invention critique qui veut que le metteur en scène soit un artiste,...

le 16 mars 2019

41 j'aime

19

Triple frontière
B_Jérémy
8

Une allégorie symbolique dans sa catachrèse.

Tu t'es fait tirer dessus cinq fois pour ton pays, et ta pas les moyens d'envoyer tes gosses à la fac. Si on avait fait la moitié de ce qu'on a fait dans un autre métier, on serait tranquilles à...

le 24 mars 2019

28 j'aime

11

Du même critique

Shanghaï Express
Aramis
7

Docteur H. et les Femmes

En 1931, Josef von Sternberg retrouve Marlene Dietrich pour un quatrième film, « Shanghai Express ». L’histoire est située en Chine, et, plus précisément, dans le train éponyme qui relie les villes...

le 16 avr. 2015

19 j'aime

9

Thelma et Louise
Aramis
10

The girls the authorities came to blame

Le 24 mai 2016, à l’occasion des vingt-cinq ans du film, j’ai vu, pour la troisième fois, « Thelma et Louise ». Deux heures après, pour la troisième fois, le film s’achevait et me laissait le cœur...

le 5 juin 2016

19 j'aime

4

La Comtesse aux pieds nus
Aramis
5

Le conte de l'ennui

En 1954, Joseph L. Mankiewicz réunit deux monstres sacrés du 7e art : Humphrey Bogart et la belle Ava Gardner – qui lui est "prêtée" à prix d’or par la MGM – pour son film « La Comtesse aux pieds nus...

le 6 avr. 2015

18 j'aime

9