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Variation du thriller sur un casse dans le lointain, avec aller "simple" et retour compliqué

C’est un thriller d’action étoffé par deux trames bien connues au cinema mais qu'il n’est pas si simple d'habiller de manière intéressante. 

La première trame est celle du "recrutement des professionnels". Parmi les séquences classiques et réussies dans ce genre de film, il y a par exemple la première partie des "Sept Samouraïs » de Kurosawa, et celle de son remake américain  "The Magnificient Seven", 1960, de John Sturges ; celle de « The professionnals», 1966, de Richard Brooks, voire celle de "The Dirty Dozen" de Aldrich, 1967. 

La deuxieme trame classique est celle qui présente le mouvement de l'aller étonnamment simple et celui du retour très compliqué. 

Une attaque est réalisée dans un milieu  inconnu et dangereux, et il est de plus, souvent, lointain (ici, très lointain). Dans cette trame, contre toute attente cette attaque réussit tres bien et tres rapidement.

C'est le retour qui pose problème, multipliant les difficultés et les embuches. 

Une des variations des plus sympathiques dans ce genre est celle que dirige Raoul Walsh dans « Distant Drums » (Les aventures du capitaine Wyatt) en 1951, laquelle réédite celle de son propre "Objective Burma" de 1945.

Sans doute, même pour un cinéaste comme Chandor, qui a commencé par des thrillers atypiques dans le milieu de la finance et dans celui de l’immobilier (The Most Dangerous Year), les traitant avec une grande subtilité, on ne refuse pas de faire un film d’action gonflé en blockbuster, avec des stars, si on le lui propose comme l’a fait Netflix. 

Comment alors y mettre sa propre touche et sortir du lot des innombrables bons thrillers d’action ?

Ce qui est original ici, ce qu’on retient en fin de compte, c'est que chez ses personnages, l’infaillibilité et l’éthique d’une part, le fourvoiement ou la faiblesse d’autre part, ne sont pas l’apanage de l’un ou de deux seulement parmi les membres du commandos (ici, ils sont cinq) comme c’est pratiquement toujours le cas dans ces films : d'habitude, on répartit un seul des aspects de notre humanité complexe dans untel ou untel. 

Ici chacun d’eux se trompe à son tour, et tous se montreront faibles à un moment ou un autre, jusqu’à parfois une faille éthique sévère dans un domaine.

Mais aussi, en revanche, chacun d’eux a son idéal intime, honorable, qu’il défendra mordicus le moment venu.

Et à chaque fois, l’abaissement de l’un ou l’élévation de l’autre s’imposeront à tout le groupe, lequel assumera solidairement l’un et l’autre, et c'est ensemble qu'ils en sortiront soit meurtris soit ennoblis.

Au fond n'est-ce pas ce qui fait qu’on se souviendra d’un film d’action ou non : est-ce que le rapport de la singularité de chacun avec le collectif nous aura captivé pendant la séance ? 

C’est le cas ici.

Car quand il n’y a que l’excitation de scènes d’action qui se succèdent, même excellentes, comme dans bien d’autres films réalisés à la chaîne, on les oublie tout de suite.

(Note de 2019 publiée en nov. 2024)

Michael-Faure
7
Écrit par

Créée

le 17 nov. 2024

Critique lue 9 fois

Michael-Faure

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