Reagan ressort la hache de guerre

Pour son premier film, l’acteur et catcheur David Arquette, reconnu pour son rôle du shérif Dewey dans la saga Scream reste dans le genre du slasher avec Tripper, qui avait un certain potentiel pour trancher dans le gras.

La principale originalité n’est pas la découverte de ce groupe d’hippies modernes, des jeunes gens qui ne veulent que s’amuser, avec la drogue et l’alcool nécessaires, se rendant à un festival de musique dans les bois (dont Jason Mewes, bien connu chez Kevin Smith, à l’aise avec ce genre de personnages). Mais bien du léger second-degré apporté sur ce vaste monde de festivaliers, complété avec d’autres figures. Le responsable de l’événement est un capitaliste au langage fleuri (Paul Reubens), le député qui a aidé au montage du projet est corrompu, et le shérif roule des mécaniques (Thomas Jane, qui adore son rôle d’über-flic), mais il sera le seul à pouvoir gérer les événements qui vont se dérouler, avec Samantha (Jame King, très mignonne) seule membre du groupe à vouloir rester sobre. Grand bien lui fasse.

Car dans cette belle et magnifique forêt des meurtres se succèdent, des corps sont retrouvés éventrés ou découpés. Un tueur en costume de Ronald Reagan use de sa hache et de ses couteaux pour s’en prendre à tous ceux qui croisent son chemin.

Entre les hippies qui ne pensent qu’à s’amuser, vaste équipage bigarré qui a pris possession de la forêt, ou les locaux, les gens du cru, qui voient d’un mauvais œil ces festivaliers, Tripper renoue avec certains codes du film d’horreur entre deux mondes qui ne se comprennent pas. Mais il ne tranche pas, les uns et les autres ayant cette exagération bienvenue, personne n’ayant le beau rôle, entre ceux qui préfèrent s’aveugler devant les risques pour continuer à faire la fête ou ceux qui veulent qu’elle continue pour les rentrées d’argent, entre les beaux discours sans fondements et les agissements parfois peu avouables.

Voir arriver ce « Ronald Reagan » là dedans est donc un régal, laissant agir sa folie meurtrière dans cette forêt souillée de sang. L’image de cet ancien acteur ici reprise est évidemment porteuse. Lui qui s’est reconverti en politique pour devenir gouverneur de Californie avant d’atteindre l’échelon ultime, celui de Président des Etats-Unis, était bien connu pour ses décisions très à droite du spectre politique, un conservateur pur et dur, surtout dur. L’épouvantail d’une certaine partie de la classe politique trouve donc ainsi un rôle de croquemitaine bien évidemment dérangé. Ce n’est pas anodin dans le contexte du film, sous l’ère Bush, le film lui faisant quelques petits clins d’oeil peu flatteurs. Mais maintenant que nous avons connu Donald Trump, difficile aussi de ne pas penser à ce personnage extrême.

Pourtant, alors que Tripper avec son fou reaganien bénéficiait pourtant d’une figure forte pour son croquemitaine, un véritable atout, il ne l’exploite pas assez, le gardant bien trop longtemps en arrière-plan. Le film prend beaucoup de temps à présenter ses personnages, mais dont la simplicité définie dès le départ ne leur laissera pas plus d’évolutions par la suite.

C’est d’autant plus regrettable que Tripper n’est pas une comédie horrifique, mais bien un slasher qui se veut angoissant, même si toujours d’un certain second degré. Si David Arquette se révèle un assez bon réalisateur pour tout le reste, dans les paysages proposés, dans les relations avec les acteurs, le frisson est lui bien moins assuré. C’est quand la fureur de Ronald s’abat qu’un certain picotement se crée. Mais certains jumpscares sont maladroits. Le ton doucement parodique atténue ainsi trop la crainte que devrait provoquer le croquemitaine du film.

D’ailleurs, avec un tel personnage, avec une telle opposition de camps entre les hippies ou les locaux, le résultat aurait été assurément un peu plus mordant en assumant son terrain de jeu politique. En dehors du générique d’ouverture (et de ses images réelles d’exactions militaires, charmantes) et de celui de fermeture (avec un discours très critique sur le président Reagan en bande-son, la référence est inconnue ou crée pour le film), et malgré ce personnage de Reagan, le film préfère rester sur une certaine légèreté, esquivant toute discussion de fonds sur la politique, préférant glisser quelques allusions. Un ton léger et assumé, certes, mais qui ne semble pas vouloir prendre partie. Même la menace est assez peu bavarde, alors que chacune de ses répliques est cinglante, délicieusement outrée. On sent que le film se restreint, préférant un compromis de façade pour plaire au plus grand nombre plutôt qu’une critique féroce et politique. Bien utilisée, Tripper n’en aurait été que meilleur.

Le film de David Arquette reste un divertissement de qualité, assez convaincant, porté par ses amis présents, sa famille ou sa femme pour parfois quelques secondes d’apparition (Wes Craven, Courteney Cox). Il peut jouir d’un budget tout à fait raisonnable pour un premier film, avec une très belle photographie le jour (la forêt est magnifique) ou la nuit (somptueux éclairages dans la brume du soir). Dommage donc qu’il n’utilise pas à fonds le potentiel de son croquemitaine, géniale création. La fin laisse la place pour une suite, et peut-être que cela aurait pu lancer une nouvelle sagas de film d’horreur. The Tripper est resté une occasion unique, satisfaisante bien qu’au potentiel pas complètement atteint.