Une première (longue) partie aux allures de joli roman-photo, suivie d'un deuxième acte en forme de descente aux enfers.
Pour la troisième fois après "Jude" et "The claim", le britannique Michael Winterbottom choisit d'adapter un roman de son compatriote Thomas Hardy ("Tess d'Urberville"), en transposant le récit dans l'Inde contemporaine. Une idée qui apparaît pertinente, le réalisateur arguant que la province du Rajasthan connaît actuellement des bouleversements sociaux, économiques et culturels comparables à l'Angleterre du XIXème siècle, lorsque la révolution industrielle s'étendait brutalement sur le monde rural.
Je ne suis pas un spécialiste de l'Inde, mais le regard proposé par Winterbottom m'a semblé plutôt crédible, sans doute pas exempt de clichés mais équilibré.
Le choix de travailler avec des comédiens non professionnels, à la ville mais surtout dans la campagne pauvre, accentue la sentiment d'authenticité, même si la réalisation élégante évoque parfois un dépliant touristique.
Il faut aussi souligner l'harmonie de la bande originale, avec des chansons qui accompagnent la narration, sur le modèle des films bollywoodiens (mais la comparaison s'arrête là avec Bollywood).
Pourtant, le film ne fonctionne pas vraiment, au point que le dénouement tragique (différent du livre) apparaît très excessif, voire incompréhensible.
L'évolution des deux héros s'avère trop brutale, et le réalisateur n'insiste pas suffisamment sur les facteurs qui pourraient justifier ce virage extrême : le poids des castes et du regard d'autrui, les limites intellectuelles de Trishna, le désœuvrement de Jay.
Ces éléments sont certes mentionnés dans le film, mais brièvement, alors que Winterbottom n'hésite pas à prendre tout son temps dans la première partie.
(l'entretien avec le réalisateur dans les bonus du DVD se révèle plus éclairant que le film lui-même).
En revanche, j'ai apprécié le jeu des deux acteurs principaux, en dépit de certaines limites.
Le charismatique Riz Ahmed incarne bien les deux facettes de son personnage -le problème restant que ces deux facettes se succèdent sans véritable transition (le roman de Hardy comportait deux personnages masculins distincts). Quant à la belle Freida Pinto, elle s'en sort avec les honneurs dans ce rôle de femme très passive et sans instruction, même si par nature son personnage n'apparaît guère expressif.
Une certaine alchimie se dégage entre les deux comédiens, mais encore une fois leur couple manque de chair, on a du mal à comprendre ce qui les unit, puis ce qui les déchire.
Une union à l'image du film, beau et troublant mais finalement bancal.