Il est vrai que pour le titre de navet hollywoodien, Troie possède plus d’une caractéristique qui le fait tendre vers le statut d’œuvre à grand public formatée. La nomination d’Orlando Bloom en est le point le plus éloquent, le damoiseau roucoulant sans cesse autour de la belle Hélène, avec l’inévitable scène après l’amour où on le filme nu et huilé (mais on reste pudique, hein…), point d’orgue des soupirs menstruels des spectatrices (Pitt tentera de garder le niveau, mais il se révèlera plus efficace sur le plan de l’épique). Comme beaucoup d’adaptations, le film prend ses libertés avec la mythologie, souvent pour arrondir le trait ou simplifier l’histoire (les incultes qui nous regardent ne connaissent pas forcément la mythologie, et un carton au début du film, c’est chiant à lire). Achille est donc un hétérosexuel viril (alors que pas vraiment, vu que Patrocle, son cousin dans le film, était aussi son amant), Agamemnon n’avait jamais tenté de conquérir la Grèce, les 20 années de préparation et de sièges de Troie se transforment en une quinzaine de jours… Le film privilégie donc clairement les motivations de ses protagonistes (gloire, amour, beauté… immortalité) au détriment de toute vraisemblance (vous imaginez combien coûte une telle armée, à entretenir et à nourrir ?). Mais malgré ces défauts (auxquels on pourrait rajouter quelques faux raccords célèbres aujourd’hui), Troie est un film qui sent bon le sable chaud. On pourra dire ce que l’on veut, la fresque épique promise est là, et si ça ne vole pas très haut par moments (les interventions d’Achille sont souvent trop appuyées, trop « c’est moi le vrai héros »), le film tient largement ses promesses. A commencer par les scènes de batailles, qui évitent les fautes de goût d’un Alexandre pour ne livrer que des plans qui sonnent vrai, des lances rebondissant sur des boucliers aux coups de glaives méchants. Peu de sang histoire de ménager le grand public façon World War Z, mais pas non plus complètement anesthésié (un joli quota de morts exposés pendant le film). Favoriser les visions des personnages a le mérite de faire gentiment entrer le spectateur dans les enjeux du récit, et ainsi de déterminer son camp (car il y a du pour et du contre dans les deux). Si l’influence des Dieux est complètement évincée du film, c’est aussi pour faire ressortir les enjeux humains, davantage d’ailleurs que pour retranscrire les obsessions de la mythologie grecque (Rappelons que tout le monde à Troie connaissait la prédiction faite sur Paris qui entraînerait la ruine de Troie). Sans être parvenu à transcender le matériau (la vision finale n’est pas très tranchée, entre l’amour cause du conflit et la force brute des différents héros…), Wolfgang Petersen livre une fresque sympathique, qui n’approfondit pas énormément ses enjeux, mais qui livre un certain spectacle. Un peu long sur 2h30, mais quand même, au dessus de la moyenne.