C'était plutôt très bien, un Mouret dans la moyenne si j'ose dire.
Et qui, tout en ressemblant à un film de Mouret, a tout de même son identité à lui :
J'entends par là que l'on retrouve ici tout ce qui fait le charme de son cinoche, à savoir une brochette de personnages immédiatement attachants – auprès desquels j'étais déjà bien après cinq minutes de film –, des chassés-croisés amoureux réjouissants – coups de foudre et infidélités à la carte bien sûr – et, évidemment, son sens du dialogue entre tout ce beau monde... toujours délicieux... Avec des phrases que l'on entend décidément que chez Mouret... Des répliques comme "Dans ce cas, je te demande par avance de m'excuser pour la peine que ça te fera" ou "Je te promets que son amant est un type formidable, sois rassuré, elle est entre de bonnes mains" (bon là comme ça, à l'écrit et sorties de leur contexte, c'est pas forcément hilarant j'en conviens, mais les familiers du cinoche de Mouret n'auront aucun mal à les entendre dans leur tête et comprendront de quoi je veux parler).
Bref, la plume du bonhomme est toujours aussi délicieuse.
Puis cette façon de filmer les gens qui s'aiment (enfin ! encore ? hélas plus...), et de te faire comprendre en un plan, un regard, que tel personnage est amoureux, ou au contraire ne l'est plus ; ou que tel personnage est en fait le fameux amant dont on parle... On passe deux heures à les écouter parler d'amour, et déployer leurs sentiments ; mais il reste quand même des choses à faire dire à la caméra, c'est beau.
Le tout comme d'habitude (sauf peut-être dans Mademoiselle de Joncquières – si ma mémoire ne me trompe pas) drapé dans ces éternelles et exceptionnelles délicatesse et bienveillance si typiques du cinoche de Mouret, c'est-à-dire que personne ne pense jamais à mal, tout le monde souffre sincèrement de faire souffrir l'autre... Alors on s'excuse, on s'explique, on essaie de ne blesser personne... Même le personnage de Sara Forestier, qui est, sur le papier, la salope de cette bande de trois amies (celle qui se tape le mari de l'une des deux autres), a, malgré ce rôle ingrat, en fait bon fond. Chez d'autres, ce pourrait être insupportable de naïveté/angélisme/délicatesse empruntée, mais chez Mouret, ça fonctionne toujours... (Serait-ce donc cela, le talent ?)
Et je disais plus haut que ce film de Mouret a tout de même son identité à lui : elle passe en effet par une dimension assez inédite à mes yeux, celle d'une douleur diffuse constante, via le personnage d'India Hair, qui va au début du film vivre un deuil puis un sentiment de culpabilité assez terrible, qui s'avèrera l'enjeu émotionnel de son personnage (le principal du film, même si les trois partitions des trois amies du titre sont assez équilibrées). Et franchement, ça marche du tonnerre : je m'amuse toujours devant ses films, et souvent je jubile devant certaines répliques/dialogues ; mais pour la première fois ici j'ai été ému, et à plusieurs reprises j'ai senti un truc couler sur ma joue (comme dirait l'autre).
Et pourtant, ça reste globalement léger, on n’est pas pour autant sur une tonalité dépressive, ou ne serait-ce que grave. Ça reste fondamentalement léger. On en sort avec le sourire.
Bref, la recette habituelle du bonhomme, mais avec un petit ingrédient inédit, amer, qui lui donne un goût supplémentaire ! Je valide de mon côté.
Bref (bis) : ceux qui aiment le cinoche de Mouret devraient aimer ce film ; ceux qui ne le connaissent pas peuvent complètement le découvrir avec celui-ci ; et ceux qui ne l'aiment pas... rendez-vous service et redonnez-lui une chance.