Si on dit que Mouret est le Rohmer du XXIème siècle, c'est surtout parce qu'il disserte et bavarde toujours autour du même thème : l'amour. Dans Trois amies, il met face à face le désamour et l'amitié. Et, cette fois-ci, c'est du côté du drame amusant que Mouret s'immisce.
Trois amies, collègues, profs de collège à Lyon, hétérosexuelles, dans la quarantaine environ, discutent entre elles de leur relation (ce dont les hommes, entre eux, parlent peu, mais ce dont ils parlent ici suffisamment pour en être touchés). L'une des amies (Joan) n'est plus amoureuse de l'homme avec qui elle est, une autre (Alice) ne l'a jamais été mais se sent bien avec son homme, qui sort en secret avec la dernière (Rebecca) : voilà le point de départ de cette odyssée sentimentale, dans laquelle se greffe une mort accidentelle, des rencontres non moins accidentelles, des vagabondages et des doutes, très justement interprétés par les six têtes d'affiches très alchimiques.
Le montage, presque émotionnel, crée un rythme qui tient les deux heures sans faux rythme et, par des coupes franches, surprend. Les fins et début de scène sont brusques, jusqu'à créer des petits vertiges, notamment pour l'un des déjà-vu les plus inquiétants de l'année.
Le couple sous pression, fidèle et infidèle, a, comme toujours chez Mouret un côté de dissertation, et ces profs, presque dandys de culture, auront de quoi agacer encore un peu les réticents au style de Mouret, même s'il s'est calmé de ce point de vue, allant jusqu'à se moquer de lui-même (en co-écriture avec Carmen Leroi, qui permet sans doute une écriture plus fidèlement féminine), comme s'il atteignait une maturité, déjà entrevue dans sa Chronique d'une liaison passagère. La danse des sentiments continue, et les hommes blancs, bourgeois, cisgenres hétéros, persévèrent dans leur tentative de déconstruction, pas si facile que ça. Chez un genre comme chez l'autre, l'amitié semble plus forte et plus importante, moins dangereuse que l'amour, cette heureuse complexité.