Dans un moment de ma vie où l'amour soulève bien des questions, « Les trois amies » d'Emmanuel Mouret a trouvé en moi une résonance particulière. Ce film délicat et finement écrit, m'a permis une forme de catharsis, mêlant réflexion et émotion sur les ambiguïté des relations humaines.
Avec une plume littéraire et une mise en scène épurée, Emmanuel Mouret tisse une intrigue où les héroïnes prennent le contrôle des dynamiques amoureuses. L'intrigue suit trois femmes et leurs trajectoires sentimentales, chacune illustrant une conception différente de l'amour. Rebecca (Sarah Forrestier) par exemple, se découvre capable d'aimer un homme qu'elle avait d'abord rejeté, libérée des diktats de sa beauté. De même, on la voit se perdre dans une quête désespérée de la passion, n'hésitant pas à séduire des hommes mariés, mais toujours avec une élégance de cœur. Alice (Camille Cottin), elle doute de l'amour qu'elle porte à son mari, croyant à tort l'aimer moins qu'il ne l'aime. Enfin, Joan (India Hair) qui abandonne son conjoint en quête désespérée d'un amour romantique, confondant désir et amour, ce qui conduit à une désillusion amère. Ces trois parcours, aussi sincères que tourmentées, dessinent une critique subtile des illusions et des attentes qui entourent l'amour romantique. Ce film m'a rappelé combien l'amour peut être complexe et ambivalent, loin des idéaux véhiculés par les mythes romantiques.
Pourtant, le film reste ancré dans une perspective presque unilatérale, et c'est bien dommage à mon avis. En effet, les hommes, souvent réduits à des figures secondaires, des faire-valoir apparaissent maladroits et dépendants du regard des femmes et on ne voient pas leurs motivations pleinement explorées. Pourquoi le mari d'Alice infidèle trompe-t-il sa femme ? Ce silence, volontaire ou non, empêche une réelle confrontation des points de vue. Victor (Vincent Macaigne) le mari défunt de Joan, brillant mais volontairement pathétique, incarne cet homme quitté, perdu dans sa maladresse, mais dont le désarroi aurait mérité probablement plus de profondeur. Cette absence de développement de leur motivations, traité par angle mort, limite l'exploration des méandres amoureux.
Le silence et les regards des personnages jouent également un rôle essentiel, apportant une richesse émotionnelle parfois difficile à exprimer par les mots. Les moments partagés entre Joan et Thomas, comme leur sortie de week-end à la campagne ou leur complicité dans la scène finale, illustrent la puissance des non-dits. Ce sont ces instants suspendus qui permettent au spectateur de s'immerger dans la complexité des sentiments sans qu'on lui dicte une interprétation.
Visuellement, le film alterne habilement entre intérieurs feutrés (appartements, lycée) et extérieurs lumineux (parcs, musée, campagne). Cette dualité soutient l'équilibre narratif et reflète les états d'âme des personnages. Le choix de la couleur participe aussi à l'humeur des sentiments. Cette finesse visuelle, associée à une direction d'acteurs impeccable, donne au film un charme indéniable.
Malgré tout, « Les trois amies » reste attaché à certains schémas de conte de fées, une concession peut-être nécessaire pour séduire un large public. En filigrane, on perçoit une critique de l'amour romantique et de ses injonctions, mais elle aurait gagné à être plus affirmée. Le film rappelle que la réalité de l'amour, débarrassée de cette pression sociale, est infiniment plus riche et authentique.
Enfin, si cette filiation littéraire ancrée dans le cinéma d'auteur peut sembler éloignée des codes des jeunes générations, habituées à des récits plus immédiats avec les réseaux sociaux. Toutefois, la richesse de l'écriture et l'universalité des thèmes abordés (l'amitié et l'amour) permettent au film de toucher un public bien plus large, pour peu qu'il accepte de plonger dans la nuance.
En somme, « Les trois amies » est une œuvre délicate, nuancée et pleine de subtilité sur les complexités amoureuses.
Mais dans mon cas, et avec un peu de recul, je dois admettre que ce film a appuyé là où ça faisait mal. Si la réflexion sur l'amour et ses désillusions peut être d'une grande sagesse, elle peut avoir un effet cathartique un peu trop direct, surtout quand on traverse soi-même des turbulences sentimentales. Mais, au moins, j'ai ri de moi-même à travers les trajectoires de ces femmes et leur quête d'amour parfait. Il y a une ironie douce-amère à se dire parfois, le cinéma peut être un miroir un peu trop exact de notre propre réalité. Mais au moins, si l'amour reste un casse tête, on sait qu'on n'est pas seul dans la quête de réponses !