Trois femmes
7.5
Trois femmes

Film de Robert Altman (1977)

J'ai touché le fond de la piscine

Robert Altman est un de ces réalisateurs "montagnes russes", qui a passé sa carrière à alterner le pire et le meilleur. Précisons que chez Bob, les sommets sont vertigineux et les failles insondables.
Aussi, chaque découverte d'un élément de sa filmographie vous plonge dans une situation proche de l'insécurité.

Sauf que cette fois, j'avais le meilleur des guides: Quantiflex, l'ineffable et lumineux éclaireur (dire s'il fait bien son office !) avait non seulement écrit une critique définitive de poésie dont il a le secret mais, en plus, m'avait consacré une liste de pépites à découvrir, dans laquelle figurait ces "3 femmes".
Et donc, de sommet il s'agit.

Décalé, coupez !

Ce qui fait l'immense qualité du film est son caractère insolite et rare.
Le récit, les personnages, les situations sont en décalage permanent. Rien n'est à la place qu'il semble devoir occuper.
Il y a dans ce film une dimension Lynchienne (enfin, vu la grande antériorité du film d'Altman, je devrais plutôt dire qu'il y a dans les films de Lynch une dimension Altmanienne).
Attention: que ceux qui détestent le créateur de Blue Velvet se rassurent, je parle d'une des qualité supérieures, nobles, de ce dernier: cette faculté, d'un simple regard, de montrer l'étrange dans le quotidien, de souligner l'incongru dans le banal, de révéler le terrifiant dans le prosaïque, comme peut l'être le fond d'une piscine.

Aucune des trois femmes qui peuplent cette histoire n'est adaptée à son environnement. Pour autant, chacune adopte un comportement radicalement différent pour contrer cette inadaptation et parvenir à vivre malgré tout. Dans le dénis permanent pour la première, une intensité et une réactivité à fleur de peau pour la seconde (qui peut changer de direction en cours de route, mais pas de vigueur), et un mutisme farouche, uniquement déchiré par une expression artistique un peu effrayante, miroir ondoyant de la réalité, pour la troisième.

Car n'attendez aucune explication ou rationalisation dans ces deux heures inquiétantes écrasée d'un soleil californien: ni dans la passé (aucun trauma révélateur ne viendra mettre en perspective tel ou tel comportement), ni dans le présent dont les épisodes incohérents ne présentent que des accidents sans but ni logique telle que dans… et ben, tiens, nos vies par exemple.

Trois trajectoires féminines qui s'entrechoquent sans grâce ni poésie, de manière gauche, à la façon d'un pan de robe éternellement coincé dans une portière de voiture, et qui ne se révèleront vraiment (mais en est-on même bien sûr ?) que séparées de la présence des hommes.
Une fable inquiétante en trompe-l’œil, terriblement raccord avec la musique de Gerald Busby: d'abord un peu énervante et déconcertante, puis rapidement enivrante, avant de se révéler, à l'occasion d'une séquence onirique particulièrement forte, parfaitement envoûtante.

Malsain comme un doux rêve, lumineux comme un cauchemar.

Créée

le 9 août 2013

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guyness

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