On croit savoir à quoi s'attendre quand on regarde un film de Jacques Demy ; de la musique, des couleurs, de la légèreté. Mais comme ses films ne nous donnent jamais tort – pas même celui-ci –, on en oublie que la surprise peut venir d'autre part.
Le propos du film tient en sa nature de semi-documentaire sur Yves Montand, où l'acteur joue son propre rôle, montant lui-même une pièce autobiographique. Cela infiltre le charisme de Montand à peu près partout, et cause une crédibilité du théâtre si grande qu'on ne sait plus quand les personnages jouent un rôle ou non. Hélas, Montand, bien qu'il se joue lui-même, semble avoir enfermé sa personnalité dans une petite boîte.
Il est dommage, dans le cadre de ce parallèle cinéma/théâtre, que le film adopte lui-même une forme scénique foncièrement vaudevillesque qu'on voit venir de loin. Toutefois, l'intrigue est plutôt bien dénouée, avec la douceur propre au réalisateur, qui s'engage pourtant sur une pente plus osée, forte et ambitieuse, aboutissant sur un inceste involontaire. Quand on connaît l'homme, le choc peut être grand.
Au-delà de ce détail qu'on peut mettre sur le compte de la fausse piste – l'ambiguïté laissera aux plus chastes le loisir de n'y pas croire –, le film évolue dans la lignée du « slogan » chanté par Montand en intro : « il y a l'amour, le reste on s'en fout ». Dans cette optique, et avec la facilité dont l'œuvre fait preuve pour passer du sérieux à la légèreté (procédé lui-même mis en mots dans la pièce), elle est clairement intéressante. Et au-delà de son aspect purement théâtral et agaçant, la conception graphique est très bonne et l'image est bien découpée... Pas comme l'ensemble, qui fourmille de raccords horribles.
Deux ans avant sa mort, Demy fait une « affaire de famille » de ce film intéressant dans l'engagement qu'il prend, avec quelques bonnes surprises comme la scène chantée du début qui est un auto-clin d'œil, ou les personnages du metteur en scène et du chef décorateur, mais dont les mauvaises surprises sont de bêtes continuités de défauts autrefois contrôlés.
Quantième Art