"Trop belle pour toi" est l'histoire d'un adultère, sujet on ne peut plus classique revisité par un Bertrand Blier toujours autant facétieux mais particulièrement appliqué ici au travail d'une mise en scène aussi précise que stylisée.
La passion soudaine entre un garagiste et sa secrétaire intérimaire -cas de figure somme toute ordinaire, sinon vulgaire- prend un relief singulier par la forme que lui donne Blier. Un froid lyrisme qui confine au hiératisme, accentué par les mélodies tristes de Schubert, et d'autre part, de lents et caressants mouvements de caméra déterminent le ton étrange et comme tragique du récit et marquent la volonté de Blier de solenniser la passion que se vouent deux êtres en tout point communs.
Communs, et pour ce qui concerne la secrétaire au physique passable: tarte, selon le qualificatif qui revient le plus souvent et qui parait déplacé dans ce poème irréaliste et raffiné dans lequel, avec sensibilité , Blier tente de fixer ces moments de grâce inexplicables où deux personnes s'aiment et se désirent. Malgré la rupture de ton que "Trop belle pour toi" marque avec les films plus fantaisistes du cinéaste, la trivialité et l'impudeur font toujours partie du "bagage" de Blier qu'on ne s'étonnera pas de retrouver ici, dans des formules lapidaires et provocantes chères à leur auteur.
Et puis, tout au long du film, Blier s'amuse de cette situation incongrue en apparence qui fait de l'épouse du garagiste une femme dédaignée en dépit de son extraordinaire beauté (évidemment, c'est Carole Bouquet; laquelle figure la personne étrangère du triangle récurrente chez Blier). Pourquoi s'enticher d'une "tarte" quand on a une épouse aussi belle? C'est précisément par ce biais que Blier démontre la nature mystérieuse de la passion amoureuse, aussi éphémère soit-elle, et qu'il peut une fois de plus prendre le spectateur à contre-pied.