Tout d'abord, il me faut préciser que c'est le premier film d'Apichatpong qu'il m'ait été donné de voir. Cela dit, mes impressions (qui pourront paraître bien intellectuelles pour de simples impressions, mais c'est simplement dû au fait que je suis un gros pédant) ne peuvent donc peut-être pas être applicables à toute la filmographie d'Apichat.
Amateur de comparaison un brin foireuse, j'ai envie de dire que Chatpong m'apparaît être une sorte de Lynch nourri au biberon de la jungle thaïlandaise. Cette comparaison est très limitée parce que je ne suis absolument pas convaincu que Picha soit inspiré par Lynch (par contre, je suis séduit par l'idée que le cinéaste thaïlandais plairait à mon excentrique préféré). Cependant, je maintiens cette comparaison étant donné que ces deux cinéastes me semblent partager une même propension à défier la narrativité classique (oh la phrase de pédant !) exigée par la norme (hollywoodienne) en mêlant le narratif et l'expérimental et en privilégiant sur la stricte et triste compréhension le goût des images et des émotions (la deuxième partie dans la jungle est tout simplement hypnotique et passionnante). Mais Pong est un peu plus fourbe (ou subtil) car Lynch (du moins dans Eraserhead, Lost Highway et Inland Empire) est ouvertement complexe et déroutant, mettant constamment le spectateur dans une position de trouble alors qu'Api semble plus conventionnel, le rythme du film est bien plus contemplatif qu'un Lynch et son aspect déroutant n'apparaît que progressivement (dans la deuxième partie).
Tout comme Lynch, je pense qu'il peut être bon d'avoir une clé. Celle que j'ai à donner, c'est de savoir que quand ce qui anime Lynch, c'est le duo désir/rêve (ce qui est la même chose au fond), ce qui habite le film de Joei est le duo mémoire/esprit (ce qui est la même chose au fond).
Bref, je trouve ce film excellent d'autant plus que, tout comme un Lynch (encore!), je suis convaincu que plusieurs visionnages ne peuvent arriver à épuiser sa richesse.
P.S. : le nom anglais du film est trompeur, ''Tropical Malady'' est le nom de la premiere partie du film, ''Sud pralad'' signifiant ''monstre'' et qui fait écho à la citation ouvrant le film.