Il est difficile de décrire le cinéma de Apichatpong Weerasethakul puisque le thaïlandais, au lieu d’exciter l’esprit de son spectateur, préfère stimuler ses sens. Blissfully Yours explorait déjà le terrain du sensoriel, mais la direction prise par Tropical Malady est encore plus radicale. Décomposé, comme les autres films du metteur en scène, en deux parties bien distinctes, il présente dans un premier temps la romance entre un soldat et un garçon de la campagne, et conte dans sa seconde partie la quête de ce même soldat ayant pour mission de vaincre un chaman capable de se changer en animal.
On pourrait tenter d’expliquer le fond de Tropical Malady. D’autres s’y sont essayés, mais il semble que cette donnée soit clairement secondaire dans le cinéma de Joe. Tropical Malady n’est pas un film qui s’analyse, mais un film qui se vit – s’il possède une cohérence, elle n’est non pas scénaristique, mais émotionnelle, tant le film repose sur cette atmosphère située quelque part entre le psychédélisme, la méditation et l’hypnose.
Joe possède ce sens du rythme unique. En dehors de quelques plans sublimes (principalement situés dans la deuxième partie), son cadrage n’est pourtant pas particulièrement remarquable, mais c’est cette temporalité hallucinée qui lui donne cette force inexprimable. Peu de spectateurs y comprendront grand-chose – ou devront s’y reprendre à deux fois – et pourtant, la magie opère. Le charme fascinant de Tropical Malady s’installe, et trouve son apogée dans son dernier quart d’heure incroyable.
Joe ne parle pas de l’amour, il montre l’amour. Ses vestiges, sa beauté, les souvenirs qu’il laisse. Tropical Malady est un film qui apaise, morceau de cinéma indescriptible, à la fois exigeant et pourtant si simple. Il n’y a pourtant pas de médicament plus efficace contre les idées noires – tout, absolument tout, dans Tropical Malady est fondamentalement magnifique. La pureté artistique dans ce qu’elle peut avoir de plus aimant.