Attention : chef-d’œuvre romantique.
True Romance est un film de Tony Scott, inusable tâcheron d’Hollywood, faiseur d’images capable du meilleur visuellement, parfois du pire sur le fond. Ici sur un scenario du jeune Quentin Tarantino, le réalisateur signe un film vif, une romance coup de poing qui s’étrenne dans la violence et l’insécurité pour courir vers le rêve, où seul l’amour offre une porte de survie. Derrière les flingues, la drogue et le sang, True Romance célèbre l’amour innocent.
Alabama est engagée pour draguer Clarence. Clarence lui plait, et Clarence tombe amoureux. Pour Alabama, il n’hésite pas une seconde à se mettre en danger. Après Detroit, l’heureux jeune couple part pour Los Angeles, avec une valise de cocaïne, poser les bases de leur avenir, rêver d’une nouvelle vie d’amour et d’eau fraiche. « You’re so cool », l’amour simple.
Patricia Arquette et Christian Slater, l’inoubliable couple, sont accompagnés d’un incroyable casting : mémorable confrontation toute en tension de Dennis Hopper et de Christopher Walken, premier gros rôle de James Gandolfini, Gary Oldman en dreadlocks et phrasé tout droit sorti de Harlem, Samuel L. Jackson éjecté un peu vite, Chris Penn, Brad Pitt en fumée, et Michael Rapaport. J’en oublie, mais tous les rôles sont tenus par un visage connu.
True Romance, c’est une galerie de demo-tapes, un pur bonheur cinéphile pour qui apprécie le jeu.
Le rythme est parfait.
True Romance se bouffe d’un coup, comme un long clip : pas une longueur, pas une scène de trop. L’aventure de Clarence et Alabama est un tourbillon de fuite, de suspense, d’angoisse et de violence. Tout et tous s’acharnent contre eux, leurs proches souffrent de leur passage, le sang coule. Mais leur amour est là, fort, tangible, merveilleux. Un cadeau dans leurs vies paumées. La seule pureté de l’univers raconté. La seule chose qui compte, l’unique énergie nécessaire à l’accomplissement de soi.
Le scenario du jeune Quentin Tarantino, censé lui ouvrir les portes d’Hollywood, s’achevait sur un drame pour raconter que même l’amour le plus pur, s’il est la seule source de bonheur, ne sauve personne pour autant. Le film de Tony Scott prolonge l’histoire en prenant le contrepied du scenario original, et nous offre un espoir de bonheur pour les cœurs, sinon innocents, du moins aimants. Il y a vingt ans, j’étais choqué, dérangé, de cette manipulation des studios et de ce happy end.
Il y a, aujourd’hui, quelque chose qui me plait dans cette survie malgré la blessure.
True Romance reste un film culte. Une véritable romance, dans la douleur et le sang, où seul l’amour porte ces personnages entiers. Une histoire vraie dans la magie qu’elle porte : deux êtres qui se trouvent par hasard, c’est la vie, et ne peuvent plus se quitter. L’amour est le seul lien qui vaille les sacrifices. C’est peut-être bien l’humeur actuelle : je me laisse embarquer avec autant de plaisir aux côtés de Clarence et d’Alabama qu’il y a vingt ans.
Indémodable.
Tant qu’il y aura des hommes pour se faire rempart de la vie pour l’être aimé.
Matthieu Marsan-Bacheré