Tsar n'est pas un mauvais film, d'un point de vue formel : Il y a comme une atmosphère de sabbat dans la neige autour de la personne d'Yvan le terrible. Le film a des mouvements de caméra élégants, qui n'excluent pas la caméra portée. Les éclairages sont très étudiés, avec des teintes hivernales en lumière indirecte, mais aussi quelques beaux effets de perspective et des passages plus colorés (surtout les icônes). Globalement, la palette de couleur repose sur du blanc, du noir et le brun chaud des boiseries russes.
L'acteur qui joue Yvan est très bon, et ne fait jamais autant peur que lorsqu'il sourit. Son personnage de vieux fou à la barbe chafouine se situe, physiquement, quelque part entre Fidel Castro et Paul Krugman (ou le Raspoutine d'Hugo Pratt). L'interprétation, entre le fou, le sadique et l'homme de foi, qui fait peur avec son calme apparent, fait penser à des interprétations à la Gary Oldman.
La musique rappelle un peu John Williams, en un peu plus répétitif.
Hélas, deux choses me chiffonnent dans ce film : tout d'abord le fait qu'il réduise Yvan à un fou victime d'un entourage de courtisans sadiques. C'est un peu le dédouaner de ses propres turpitudes. Deuxièmement, le fait que le film suggère, sans jamais l'assumer complétement, qu'il puisse y avoir des miracles liés à la foi orthodoxe. Celui qui a fait le script devait être un sacré cul-béni ! Et ce film ne doit pas déplaire dans les milieux proches du pouvoir poutinien. Et ça, quand on sait la complaisance de l'Eglise orthodoxe avec Poutine et la mafia, c'est assez gerbant.
Dommage, car au niveau image et construction, le film a quelque chose de très pur et classique, de limpide, qui pourrait faire penser à un film des années 1950/60. Le film est découpé de manière très scolaire en chapitres : 1 - la prière du tsar, 2 - la guerre du tsar, 3 - la colère du tsar, 4 - Le divertissement du tsar.
Tsar est un bon film, d'une forme étonnamment et agréablement désuète, et je lui aurais bien mis 7, mais le film est un peu trop proche de la vision de l'église orthodoxe russe pour me plaire.
Synopsis
Yvan le terrible est fou, et subit des défaites militaires. Il est manipulé par sa femme et ses serviteurs sadiques, pendant que les Opritchnikis, sa garde personnelle qui orne sa selle d'une tête de chien, font régner la terreur. Désespéré par la mort du métropolite, il nomme Philipp, un ami, l'évêque des îles Solovki, à sa place. Ce dernier refuse. Yvan lui emporte une orpheline qu'il avait sauvée, mais elle s'enfuit et revient à son bienfaiteur. Il tente de sortir Yvan de sa paranoïa qui le pousse à voir des traîtres partout et les tuer.
Yvan fait construire un palais plus sûr qu'il fait inaugurer par des vierges qui trainent son traineau. La ville de Polotsk a été perdue face aux Polonais : les officiers survivants reviennent, mais Philipp les héberge de peur qu'ils soient massacrés. Cela l'incrimine auprès des courtisans, qui veulent sa tête pour continuer à manipuler le tsar. Ce dernier les fait torturer par les courtisans. Devant Philipp, ils avouent des crimes imaginaires, et ce dernier doit prononcer leur arrêt de mort, mais il s'y refuse. Yvan les condamne à être dévorés par les ours. L'opheline, choyée par Yvan, intervient et se fait tuer par l'ours, à la stupeur générale.
Philipp quitte le palais, écoeuré. Yvan ne le supporte pas et le fait dégrader ignominieusement. Son neveu est écartelé devant lui sur la place publique, pour essayer de le faire avouer des crimes imaginaires. Yvan le condamne aux fers.
Un ingénieur crée pour Yvan une sorte de parc d'attraction, avec une roue à écartèlement. Il s'en prend à ses propres courtisans, et envoie la tsarine sadique au couvent.
Aux fers, le patriarche semble atteint par la grâce : il se libère de ses fers par miracle, rend la vue à un borgne. Il prédit l'arrivée d'Yvan et sa mort, et en informe les frères pour qu'ils fuient à temps. Yvan vient, Philipp refuse de le bénir. Yvan l'embrasse, signe qui désigne Philipp comme cible à tuer au bourreau d'Yvan. Il est tué, et des fidèles sont brûlés vivants dans une église. Seul, Yvan se demande où est passé son peuple.