Elle ne s'en cache pas, au contraire elle le revendique, pour son premier film, Hafsia Herzi est dans la lignée du cinéma de Kechiche, moins sulfureux, moins audacieux aussi mais plus subtil et peut-être plus touchant.
On retrouve cette fascination pour le corps (féminin et masculin) qui sera filmé frontalement mais pas crûment, la caméra étant au plus près des formes sans pour autant nous mettre en position de voyeurisme. Il n'y a qu'à voir cette scène où Lila (Hafsia herself) pose pour Anthony Bajon (La Prière), le même qui lui apprendra ce que signifie le titre de son film: ce moment est un poème dédié au corps. Par ailleurs, il y aura des culs qui twerkent, du sexe bien sûr mais finalement très peu de nudité car ce qui intéresse Hafsia, ce n'est pas l'acte lui-même mais le jeu de séduction qui y amène. Et c'est là que le film est à son meilleur. La mise en scène va par exemple magnifiquement montrer le désir dans sa manière de filmer un échange de regards. Car c'est bien sur les visages que va s'attarder principalement la caméra et on l'en remercie tant les comédien(nes) sont radieux(ses), Hafsia Herzi en tête dans le rôle principal. Toujours à la limite de l'improvisation, ils bénéficient d'une grande liberté de jeu (l'expérience de "La Graine et le Mulet" n'a pas été oubliée) et offrent de grandes prestations rafraîchissantes.
Le film est monté en épisodes de vie étalés sur une courte période et aura deux fils rouges davantage qu'une véritable intrigue: le sortir d'une relation toxique avec un ex (formidable Jérémie Laheurte, déjà vu en petit ami dans La Vie d'Adèle) qui ne cessera de la hanter tout le long du film et ses tentatives plus ou moins heureuses, drôles ou pathétiques de retrouver l'amour ou ce qui s'en rapproche un tant soit peu. Ce parti pris narratif permet d'alterner les scènes dramatiques et pesantes avec des scènes comiques plus légères, ce qui apporte un ton singulier et fort appréciable à l'ensemble: homogène mais continuellement en rupture, la vie avec ses hauts et ses bas. Il se montre cependant quelquefois bancal et certaines ellipses font l'impasse sur des informations utiles à la compréhensions de certains actes de Lila. On est sur un premier film, qui comporte fatalement quelques faiblesses: des scènes superflues, jurant avec la subtilité à laquelle on était habitué et quelques longueurs par-ci par là. Ces défauts ne sont toutefois pas préjudiciables à mon sens et participent à faire de ce film un objet vivant et frais.
Il y a une sincérité touchante dans ce film tourné avec trois fois rien (et avec pourtant un bon rendu technique) qui fait plaisir à voir au milieu du paysage cinématographique français ne serai-ce que pour son casting que j'ai à peine évoqué et qui mérite un amour.