Je ne suis pas vraiment fan du roman de Zola, mais avec Marcel Carné aux commandes et Simone Signoret dans le rôle titre, peut-être que ce film allait me réconcilier avec cette pauvre Thérèse.
Alors déjà, c'est beau. On a une belle photo, des images bien composées et la mise en scène de Carné qui fonctionne toujours. Par contre niveau scénario et personnages, on y est pas vraiment.
Pour pitcher rapidement le film: Thérèse travaille et vit avec sa tante et son cousin malingre et souffreteux qu'elle a épousé. Un jour elle rencontre Laurent, camionneur italien, qui devient son amant.
Première constatation, les adaptations n'étaient pas plus fidèles en 1953 que maintenant mais ce n'est pas l’adaptation qui m'intéresse mais bien le film.Toutefois, dans le cas présent les deux analyses sont indissociables car le film essaye de se détacher du roman et les différences sont donc intéressantes à étudier. Carné emploie divers procédés pour susciter l'empathie du spectateur envers le couple malgré le crime qu'il commet (contrairement au roman où le style naturaliste empêche toute empathie). Il transpose l'intrigue dans les années 50 afin de créer une proximité temporelle avec le public. Par ailleurs il va rendre les personnages secondaires antipathiques. La tante devient acariâtre et autoritaire et Camille, le mari, devient jaloux et possessif . Enfin et surtout, le film introduit un personnage inédit, Riton, qui a été témoin du crime et fait chanter le couple, tout est fait pour le rendre détestable. En rendant tous ces personnages odieux ou ridicules, le spectateur n'a d'autre choix que de se rabattre sur les moins pires,Thérèse et Laurent. Le procédé n'est pas condamnable en soi (il est d'ailleurs très bien employé dans The Devil's Rejects de Rob Zombie) mais il est ici utilisé à mauvais escient car il diminue l'impact du crime, rend l'histoire assez banale et les personnages presque insipides tant ils sont normaux. Ce dernier point est accentué par une édulcoration des conséquences du crime: on oublie la folie, la lâcheté et la violence sado-masochiste, tant physique que psychologique, et l'absence de remords qui caractérisent les personnages du roman. Tout ça est remplacé par le chantage malveillant de Riton qui devient l'antagoniste de toute la seconde partie du film. L'étude des passions devient un thriller plutôt mou. Riton est néanmoins, à mon sens, le personnage le plus convaincant. J'ignore si cela vient de son écriture ou du jeu de Roland Lesaffre mais il parvient à montrer une palette d'émotions salutaire lors de la confrontation finale qui le rend finalement attachant.
Donc un film beau mais avec des personnages creux, ce qui est dommage lorsque l'intrigue repose justement sur les personnages.