J'aime beaucoup Hafsia Herzi, mais j'avais tout de même une légère crainte au moment d'aborder son premier-long métrage en tant que réalisatrice (dont elle tient également le rôle principal).
La peur de tomber sur un film d'auteur un peu chiant, dans le registre du drame sentimental affecté façon "L'amour des hommes", l'un de ses derniers rôles de comédienne, qui ne m'avait guère emballé.
D'autant que pour interpréter cette fille tourmentée, la jolie maghrébine s'est volontairement enlaidie, apparaissant à l'écran sans maquillage et négligée, vieillie et amaigrie
Heureusement, s'il s'agit bien d'un drame sentimental intimiste, "Tu mérites un amour" parvient à éviter la pesanteur souvent inhérente au genre, grâce à plusieurs irruptions d'humour et de second degré salvateur, de sorte que l'ennui n'a jamais le temps de s'installer.
On suit le parcours de Lila, jeune femme passionnée et possessive, folle amoureuse d'un mec fuyant et égocentrique (Jérémie Laheurte), rongée par la jalousie et incapable de gérer le sentiment de rejet. .
Lorsque le beau gosse narcissique s'envolera pour une "retraite spirituelle" de plusieurs semaines en Bolivie, Lila sera bien obligée d'affronter sa solitude, s'efforçant de s'ouvrir à d'autres rencontres pour se changer les idées.
L'occasion pour la jeune réalisatrice d'esquisser un tableau de la masculinité contemporaine, avec une galerie de personnages pittoresques, joués par des comédiens plus ou moins inconnus, parmi lesquels on retiendra la prestation drolatique et décomplexée de Djanis Bouzyani dans le rôle du bon copain homosexuel.
On pourra regretter que le portrait de Lila se limite à ses élans du cœur (on apprendra ainsi tardivement et incidemment qu'elle exerce un job dans l'immobilier), mais ce parti-pris frustrant coïncide avec l'obsession du personnage.
De même, la mise en scène manque un peu d'ampleur, on remarquera surtout que le style naturaliste évoque un certain Abdellatif Kechiche.
A cet égard, Hafsia Herzi se montre bien timide au vu de son sujet, se refusant à la moindre scène de sexe ; on s'embrasse énormément dans "Tu mérites un amour", on y parle crûment, mais on ne s'y envoie jamais en l'air. Autant les scènes d'amour surviennent souvent gratuitement dans certains films, autant ici leur absence surprend au vu de l'obsession amoureuse du personnage et de la réalisatrice.
Malgré son sujet peu original (la relation toxique avec un pervers narcissique) et son intérêt forcément limité, le premier film d'Hafsia Herzi s'avère une jolie réussite modeste, grâce à sa tonalité plutôt légère refusant le pathos, et à son authenticité rafraîchissante.
A réserver en priorité au fans de la comédienne, quand même...