Les films de guerre, souvent violents dans leur imagerie, puissants dans les émotions qu’ils transmettent, ont tendance à marquer, et nombre d’entre eux font partie de ceux que je considère comme étant de « grands » films tels que A l’Ouest, rien de nouveau (1930), Les Sentiers de la Gloire (1957), Voyage au bout de l’enfer (1978), Full Metal Jacket (1987), et j’en passe. On se dit qu’à l’heure actuelle, il semble difficile d’innover et d’arriver à la cheville de tous ces grands films. Il est vrai qu’ils se ressemblent généralement sur la forme, bien que leur approche varie à chaque fois. C’est ce que Mel Gibson a réussi à faire, en surprenant son monde avec Tu ne tueras point.
Le héros de l’histoire, Desmond Doss, a réellement existé. Objecteur de conscience lors de la Seconde Guerre Mondiale, il s’est démarqué de ses pairs en choisissant de s’engager, à condition d’être infirmier et de ne porter aucune arme au combat. Jeune homme sans histoire, qui a grandi dans une ville paisible de Virginie, fils d’un vétéran de la Grande Guerre, il est très pieux, et toujours prêt à venir en aide à son prochain. Thèmes chers à Mel Gibson, la piété et la spiritualité vont être des éléments déterminants de l’intrigue, conditionnant tout son déroulement. En effet, la première « rupture » intervient lorsque, tiraillé par la volonté de défendre son pays et par ses convictions religieuses, Desmond choisit de s’engager, avec pour promesse de ne jamais toucher d’armes ni de tuer, dans le respect du sixième commandement.
Dans la première partie du film, Desmond est mené à rejoindre un camp militaire visant à entraîner les recrues à rejoindre le front japonais. L’analogie avec Full Metal Jacket s’installe rapidement, entre la présence d’un officier exubérant et criant, et la tension permanente qui habite le groupe de recrues. Chétif, traité de lâche, le héros n’a justement rien d’un « héros » ordinaire. Ses exploits sont dus à sa capacité à tenir ses convictions et sa foi en toute circonstances. Il le fera déjà dans le camp, en résistant aux railleries et aux ordres de ses supérieurs, le forçant à porter une arme, mais il le fera surtout sur le front.
Si la première partie du film est intéressante pour sa capacité à développer le personnage et à nous faire comprendre la nature réelle de ses convictions, la seconde est saisissante par sa violence et sa puissance. Quand je citais Fury (2014) pour sa violence et le réalisme de ses scènes, Tu ne tueras point n’a rien à lui envier sur ce point. Extrêmement immersif, le film parvient à restituer l’enfer des champs de bataille, le danger et l’horreur comme très peu d’autres films ont été capables de le faire. Insoutenable par moments, il met aussi bien en avant l’horreur, que l’héroïsme du héros, presque divinisé ici, survivant aux pires situations, n’ayant pour seule préoccupation que de sauver les blessés qui gisent sur le terrain.
Desmond Doss, héros ordinaire, aux exploits extraordinaires, est présenté ici comme un ange gardien touché par la grâce, protégé par une présence bienfaisante. Mel Gibson reste fidèle à ses classiques en réalisant un film où les notions de foi, de religion et de spiritualité sont omniprésentes dans le film sans jamais être étouffantes. Soigneusement réalisé et mis en scène, Tu ne tueras point nous fait voyager des contrées paisibles de la Virginie à l’enfer du front japonais. Puissant, parfois insoutenable, Tu ne tueras point explore la notion d’héroïsme jusqu’à l’extrême, tacle les instances de l’armée, et montre la puissance de la conscience humaine. Ce film remue le spectateur à la sortie, et fait sans aucun doute partie des meilleurs de la cuvée 2016.