Autant j'adore le cinéma de David Lynch, ça doit d'ailleurs être le premier réalisateur dont j'ai complété la filmographie, autant j'ai malgré tout toujours eu un problème avec Twin Peaks. J'ai regardé le début de la série il y a des années pour pouvoir voir le film, mais clairement ça ne me plaisait pas et j'ai arrêté au début de la seconde saison. J'ai néanmoins vu le film sans attendre que l'identité du tueur ne soit révélé dans la série... Série que je n'avais pas continué à l'époque...
Maintenant que j'ai enfin vu, treize ans après avoir commencé, l'intégralité des deux premières saisons dans le but de voir la troisième, je me dis qu'à l'époque je n'avais quasiment rien dû comprendre au film.
Enfin, j'ai dû comprendre que c'était bizarre, mystérieux et j'ai dû piger les intrigues adolescentes, ça sans doute... Mais clairement tous les éléments autour de la black lodge ont dû me passer largement au-dessus.
Et si en regardant Fire Walk With Me on se rend bien compte que le film a dû être compliqué à faire étant donné que plein d'acteurs ne reviennent pas, qu'on change d'actrice pour Donna et que Dale Cooper, héros de la série, fait ici quasiment de la figuration, j'ai vraiment trouvé ça génial.
Si le début du film semble faire penser à un Twin Peaks (la série) bis, un meurtre, une enquête avec des agents du FBI assez étranges, dans une ville étrange, très vite on passe totalement à autre chose... Le meurtre de Teresa Banks semble peu important et le film vrille et part vers des choses beaucoup plus obscures.
Je me souvenais que David Bowie avait un petit rôle dans le film, mais quel rôle ! Le film plonge, à partir de là, immédiatement dans le surnaturel, l'incompréhensible et c'est absolument fascinant et terrifiant. Le spectateur est face à un élément auquel il n'était pas préparé (même en ayant vu la série), ce qui scotche à son écran et surtout qui amène à poser plein de questions sur ce qui se passe et sur les pouvoirs de la Black Lodge.
Je crois que je n'aime jamais autant le film que lorsqu'il laisse éclater sa folie, surtout lorsque c'est dans un quotidien absolument banal et que tout à coup on ne sait plus ce qui est réel ou non.
Et donc le film est découpé en deux parties très distinctes, la première donc sur les membres du FBI et la seconde sur Laura Palmer et j'avoue avoir revu cette seconde partie avec beaucoup d'appréhension parce que dans la série on avait éclaircit quasiment toutes les circonstances autour de sa mort. Donc à quoi ça pouvait bien servir de le montrer ? Forcément c'était sans compter sur le génie de Lynch. Et si clairement les petites histoires d'adolescents ne sont pas ce qui m'a le plus passionné dans le film (Lynch semble aussi s'en désintéresser), dès qu'encore une fois ça dérive en folie furieuse ça devient juste brillant.
Je crois que vu que ça doit faire plus de dix ans que je n'ai pas vu un film de Lynch, j'avais oublié à quel point il était bon cinéaste et surtout à quel point il savait utiliser la musique. Son film est sublime, déjà esthétiquement, mais la scène dans le bar, avec Laura et Donna qui dansent et allument des mecs, est juste sublime et notamment grâce à la musique.
J'avais déjà adoré les différents passages musicaux dans la série, mais là, la scène est longue, elle dure, la musique est omniprésente, en enveloppe le tout, c'est délicieusement tragique et mélancolique. Un vrai spleen.
Le cinéma de Lynch est sensoriel au possible, il nous emporte dans ses cauchemars, dans ses visions d'horreur et surtout il arrive à nous faire sentir tout le mal qui rode de par le monde. Et pour ça, je trouve le personnage de Bob, ce genre de démon, vraiment réussi. Chaque apparition arrive à être dérangeante et flippante. On sent que ce type n'a rien à faire là dans la chambre d'une adolescente, on sent qu'il souille tout ce qu'il touche...
Puis, il y a tout ce qui tourne autour de cette fameuse Black Lodge, ce qui est bien c'est que Lynch arrive à rajouter du mystère, à la rendre plus fascinante, plus intéressante encore qu'elle ne pouvait l'être dans l'épisode final de la série. C'est comme si le temps n'existait pas dans cet endroit. S'il y a une chose pour laquelle on peut faire confiance à Lynch, c'est bien pour ne pas lever le mystère, pour ne pas expliquer la fin de sa série, mais pour au contraire prolonger le concept, le rendre plus fou et étrange encore... et donc plus fascinant.
Et donc finalement, dès qu'on croit qu'on retombe dans le traintrain quotidien de la vie d'adolescente, le film nous embarque dans ses angoisses surnaturelles, marquant ainsi le spectateur et son héroïne.
J'aime beaucoup l'idée d'offrir un visuel aux démons qui hantent cette adolescente qui semble mener plusieurs vies. Tout comme la série montrait progressivement le vrai visage de Laura Palmer et de Twin Peaks, ils étaient tout sauf lisse et calme comme on aurait pu le croire, ici le film profite de centrer son intrigue autour de Laura pour réellement nous faire vivre ses cauchemars, achevant définitivement l'image de la jolie petite blonde tranquille.
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Et donc je trouve que le film est un complément indispensable à la série, mieux même, je le trouve supérieur aux deux premières saisons puisqu'il ne se perd pas dans les méandres stupides des sous-intrigues plates et inintéressantes dignes des feux de l'amour avec des rivalités d'entreprises, des beaux gosses qui sortent de nulle part, etc.
C'est l'avantage du cinéma, plus court, plus condensé il ne dilue pas les émotions. J'espère vraiment (et a priori ce n'est pas le cas) que la troisième saison saura éviter ces écueils. Il me tarde. Parce que si on prend toutes les bonnes du film et de la série, il y a quelque chose là de fabuleux.