Si on est pas aussi « soufflé » que face à un blockbuster de Christopher Nolan, ce divertissement estival remplit son cahier des charges, tout en proposant un discours méta sur l’état du monde… et du cinéma.
Si Kate (Daisy Edgar-Jones) est une météorologue hors pair à New York, c’est qu’avant de travailler dans une agence, elle chassait les tornades en Oklahoma. Elle y a même tragiquement perdu des collègues et des proches. Sollicitée pour tester sur le terrain une technologie révolutionnaire visant à mieux prédire ces phénomènes destructeurs, elle accepte, espérant sauver des vies. Sur place, elle et son équipe rencontrent des cowboys chasseurs de tornades et stars des réseaux sociaux, célèbre pour leurs vidéos extravagantes. D’abord agacée, Kate va découvrir qu’entre son équipe de scientifiques bardée de diplômes et cette bande de rednecks amateurs de tornadeo, les plus intègres ne sont pas ceux qu’elle croit.
Twist again ! Souvenez-vous, il y a 28 ans, Jan de Bont, réalisateur auréolé du succès de Speed revenait avec un blockbuster au concept fun et spectaculaire : Twister. Ce film d’action était une sorte de Dents de la mer où les requins avaient été remplacés par des tornades. Alors quand Hollywood, toujours obsédée à l’idée de servir la soupe à la nostalgie, décide de reprendre le concept en lui adossant « par les producteurs de Jurassic World », il y a de quoi craindre un énième recyclage bête et opportuniste. Et les premières minutes ne rassurent pas : personnages clichés, effets numériques grossiers, situations téléphonées… Pourtant, malgré cette introduction balourde, le film retombe sur ses pieds et propose un honnête divertissement porté par un personnage féminin fort et rempli de scènes spectaculaires.
C’est déjà pas mal, mais il y a mieux. Le scénario propose plusieurs niveaux de lecture, qui sans être particulièrement profonds, s’avèrent suffisamment intéressants et croustillants pour placer ce Twisters au-dessus de la mêlée.
Il y a tout d’abord une composante politique assez étonnante dans un film de ce calibre. Kate déclare que la prédiction de tornades, c’est « moitié science, moitié religion ». Dans un contexte de chaos climatique et social, comment ne pas voir en ces deux équipes qui se disputent ces tornades une métaphore de l’Amérique divisée entre trumpistes des champs et élites des villes. Derrière ses destructions spectaculaire, Twisters analyse assez pertinemment les mécanismes qui nourrissent le succès électoral d’un Donald Trump et plus généralement du populisme ambiant, notamment le mépris de classe et l’hypocrisie d’un discours humaniste cache-misère des intérêts du grand capital.
L’autre réussite, c’est le crypto-portrait féministe de son héroïne Kate. Plus qu’un simple personnage féminin fort, elle représente une jolie métaphore de l’émancipation du patriarcat, notamment lors d’une scène où elle enferme littéralement ses deux prétendants masculins pour pénétrer seule au cœur d’un tornade géante. Cette expérience intense à mi-chemin entre l’orgasme et la transcendance lui permet ainsi de dépasser ses peurs les plus profondes.
Enfin, comme conscient de son statut de produit bâtard, Twisters situe son final dans une salle de cinéma, ultime protection quand tout s’effondre. Symbole d’une industrie en crise, l’écran est détruit, les murs se fissurent, mais les personnages s’accrochent désespérément à ces vieux fauteuils.
Au final, pas sûr que ce blockbuster sauve le cinéma, mais en tout cas, il rappelle qu’il reste un endroit merveilleux pour se divertir tout en réfléchissant sur l’état du monde.