Présenté l'année passée lors du festival de Cannes, "Twixt" provoqua l'intérêt par son genre et son approche décalés, ainsi que pour la 3D opportuniste qui ne concernait qu'une très faible portion du film. Ce gadget technologique mis à part, le dernier film de Francis Ford Coppola s'inscrit plutôt logiquement dans sa filmographie; en effet, loin des super-productions hollywoodiennes qui ont fait sa réputation, le cinéaste semble poursuivre ses expérimentations esthétiques tout en gardant une certaine obstination thématique, plutôt que de chercher à renouer avec le succès du passé.
Pourtant, il est bien question du passé dans "Twixt", avec ce père écrivain endeuillé par le décès de sa fille, d'arrêt dans une ville hantée par un massacre ayant eu lieu une vingtaine d'années plus tôt. Développant sa fascination pour l'écriture et pour l'activité créatrice, Coppola se sert d'une construction narrative quelque peu archétypale pour relier les deux thématiques principales du film. Dominé par une approche morbide, "Twixt" ne tire pas sa force dans son originalité thématique, mais bien dans son traitement visuel, et dans le lien qu'il parvient à effectuer avec la narration. Toujours mû par une certaine créativité visuelle, Coppola lie le fond avec la forme, comme il l'a eu fait par le passé (dans "One From The Heart", l'hypocrisie et la superficialité qui dominent un couple sont soulignés par l'éclairage aux néons et à l'aspect factice de Las Vegas). De ce mariage naît une certaine poésie que le cinéaste maitrise et fait évoluer à sa guise.
Malheureusement, cette approche visuelle s'avère réduite par l'image et son rendu technique plutôt faible. L'aspect amateur dénature ainsi la force picturale que Coppola cherche à atteindre et qu'il effleure à de nombreuses reprises, mais que certains effets visuels tendent à affaiblir par leur achèvement artistique douteux. En outre, certains points clés du récit souffrent d'une écriture vaseuse, ce qui rend les scènes au potentiel émotionnel complètement caduques. Les outils sont là et pourtant, la magie n'opère pas toujours. Alors que par le passé il parvenait avec une habileté sidérante à fusionner l'onirisme visuel au réalisme narratif, Coppola choisit dans "Twixt" de les séparer en deux parties distinctes (les séquences ''vécues'' contre les séquences ''rêvées''); une dichotomie décevante qui transforme les envolées lyriques en essais scolaires. Malgré quelques fulgurances puissantes, Coppola ne convainc pas totalement et semble sous la tutelle d'un David Lynch de l'époque, dont "Twin Peaks" hante de nombreuses scènes - la séquence finale de "Fire Walk With Me" provoque bien plus de sensations consternantes et dévastatrices que "Twixt" ne l'est de manière globale.