Le film commence comme du Stephen King et finit pareil
Par Jérôme Momcilovic
Fait de la même audace, et en même temps de la même limpidité, Twixt prend avec évidence le relai de Tetro. Le film est à peine moins beau, plus intime encore, plus libre et déroutant aussi. L'hallucinante liberté que s'octroie désormais Coppola se mesure un peu partout dans Twixt, d'abord dans les croisements inouïs qu'il s'autorise (une série B gothique et bouffonne en même temps qu'un exorcisme intime, des expérimentations numériques splendides qui dialoguent autant avec Speed racer qu'avec la lanterne magique), mais aussi dans sa manière décomplexée et farceuse de prendre en marche le train de la 3D. Twixt se présente comme un film en 3D, donc, mais juste un peu, comme ça, en passant. En tout et pour tout, deux séquences, à peine plus de cinq minutes, signalées à leur entame par une animation kitschissime - une paire de lunettes chaussées par l'écran pour donner le top, façon Freddy 6. Que Coppola fasse un détour par la poésie foraine du cinéma des drive-in pour dévoiler une page aussi crue et tragique de son autobiographie (le film parle très explicitement de la mort de son fils) laisse pantois, et on ne voit pas trop où trouver ailleurs, aujourd'hui, la trace à la fois d'une pareille audace et de la totale décontraction avec laquelle elle s'exprime.
Tetro déjà mêlait tout, tragédie et soap, opéra et miniature, classicisme et expérimentations folles, couleur et noir et blanc, Michael Powell et home movie, le tout remontant un fleuve autobiographique où l'oeuvre n'a jamais cessé de se baigner (il était plein des fantômes de l'enfance - père, oncle, et frère, à qui Rusty James était déjà dédié). Sorti du même laboratoire, Twixt prend les atours plus modestes d'une série B légère et un peu datée mais lui aussi se saoule d'expérimentations pour déterrer le roman familial, en même temps que les grands motifs de l'oeuvre, récapitulés comme si dans ses nouvelles éprouvettes le laborantin Coppola cherchait seulement des combinaisons neuves, une autre chimie. Les motifs circulent, se recomposent, présentent un autre profil. De Tetro à Twixt, un texte (pièce de théâtre ou, ici, roman) cherche une fin qui ne sera trouvée qu'en exhumant un traumatisme familial, et un accident remonte des souvenirs pour trouer sèchement le récit. Et de l'un à l'autre transitent, intactes, quelques grandes figures de l'oeuvre, telles que L'Homme sans âge, déjà, les compilait dans un soucis quasi-exhaustif : vampirisme (explicite ici comme dans Dracula, mais les vampires sont chez eux chez Coppola, seulement masqués dans Le Parrain, L'Homme sans âge, Tetro), temps qui ne passe pas et s'emballe ou fait un retour brutal (tous les films), deuil à faire (des enfants, surtout : les trois volets du Parrain, Jardins de pierre), culpabilité. (...)
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