Oscillation...ce film impose un drôle de tangage, comme une sorte d'irrépressible envie de dire non à son angle d'attaque qui peut sembler trop pataud (trop prévisible?). Tranquillement pourtant, son charme fait effet, et le rythme du récit, addictif, rend déjà le décrochage difficile...
Si l'on revient aux sources de cette idylle, il faut dire que la première impression n'était pas vraiment engageante : la photo-affiche annonçait une sorte de trio romantique peu emballant car visuellement convenu ; le dualisme blonde-brune promettait force clichés pétillant pimpant vs. cul-serré chiant, open et sexy vs. fermé et d'humeur...disons...familiale. Un côté trop meetic peut-être, que sais-je, pour laisser présager d'emblée un romantisme noir. Et puis... nombre de détails seraient peut-être à discuter. Au diable : comme en amour, on apprend à faire l'expérience de la complexité des choses.
Le pourquoi d'une réussite : Joaquin Phoenix, incroyable de justesse rend avec finesse le dualisme qu'emplit un homme amoureux, oscillant entre désespoir fou et joie infinie. Son jeu sait dire l'aspiration d'un homme qui veut enfin vivre, mais qui, dans le doute de la pérennité de son amour, erre aussi comme une âme en peine... Double face du désir : concept, projection, mais surtout "ailleurs" qu'il faudra un jour confronter à la réalité.
Mais il semble y avoir plus fort encore que ce jeu d'acteur magistral : le drame amoureux de Gray - toujours un peu à la limite du drame romantique vu-revu et des clichés indémodables du genre - prend on ne sait comment un air de polar qui lui donne corps. Et on longe finalement un drôle de sentier, inattendu : de la comédie romantique, on tombe dans le drame romantique, avec, aux dernières minutes d'une tension narrative puissante, une dimension oppressante et sombre de polar, sorte d'écart délicieux.